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Avignon / 2022 - Entretien / Simon Falguières

Le Nid de cendres, fresque monumentale de Simon Falguières

Le Nid de cendres, fresque monumentale de Simon Falguières - Critique sortie Avignon / 2022 Avignon Festival d’Avignon. La Fabrica
Simon Falguières © Oscar Chevillard

La FabricA

Publié le 26 juin 2022 - N° 301

Épopée théâtrale de treize heures en sept parties, mais aussi aventure de troupe qui dure depuis sept ans, Le Nid de cendres est de ces fresques monumentales qui font l’histoire du festival avignonnais. Simon Falguières y raconte la rencontre entre deux mondes en déréliction, sauvés par leur réunion.

« Venir terminer ce spectacle à Avignon permet donc de le monter comme je le rêvais. »

Comment ce spectacle est-il né ?

Simon Falguières : C’est un spectacle qui s’est créé au long cours, durant sept ans. Commencée dans une école (avec la promotion 34 de la Classe libre du Cours Florent), l’aventure a ensuite continué dans le jardin d’une des comédiennes de la troupe, en Charente. Nous avons travaillé pendant deux étés, sous les étoiles et sur un tréteau de bois. Plusieurs programmateurs (le Théâtre du Nord, trois CDN et quatre scènes nationales de Normandie, formant ensemble le réseau PAN) ont alors découvert la première mouture de cette épopée et ont décidé de soutenir l’aventure. En janvier 2019, nous avons créé six heures d’un spectacle mastodonte, avec plus de 50 personnages traversant tous les registres théâtraux, 17 acteurs au plateau, et une équipe comptant, avec les techniciens, 35 personnes. Olivier Py a vu le spectacle au Théâtre du Nord ; Agnès Troly a vu Les Etoiles à la Colline. Ils m’ont proposé de terminer cette épopée à Avignon. C’était comme la promesse d’une dernière escale après un long voyage autour du monde. Conclure ce spectacle à Avignon, ville où mon père, Jacques Falguières – auquel ce spectacle est dédié – est né et a découvert le théâtre avec Jean Vilar, faisait que j’avais l’impression de revenir dans le nid qui a fait ma passion théâtrale.

Ce nid est-il lui aussi un nid de cendres ?

S.F. : Non ! Ce n’est pas un nid de cendres ! La passion théâtrale de mon père est née de ce festival et j’ai la sensation d’être un enfant du théâtre public. Revenir accomplir ici le geste de ma vie, c’est quelque chose de presque inimaginable. Le projet originel durait dix heures et quand j’ai voulu le créer, personne ne voulait accompagner une entreprise aussi longue. Voilà pourquoi je l’ai monté par étapes. Lors des premières étapes de création, beaucoup de motifs n’étaient pas terminés, et la dramaturgie était claudicante. Venir terminer ce spectacle à Avignon permet donc de le monter comme je le rêvais.

Peut-on raconter l’histoire ?

S.F. : Oui, et d’autant plus que le cœur de la compagnie est justement de raconter des histoires. Le Nid de cendres est l’histoire d’un monde coupé en deux, comme une pomme coupée en deux. La première moitié est un monde qui ressemble au nôtre. On y retrouve un jeune couple de classe moyenne avec un nourrisson. Une révolte violente se déclare et le peuple décide de passer le continent par le feu. Le couple s’enfuit dans le monde en flammes et abandonne son enfant, Gabriel, au pied d’une roulotte de comédiens. Les comédiens adoptent le petit qui grandira dans les cendres du continent disparu. La seconde moitié est un monde de conte où vivent un roi et sa reine qui tombe malade. Dans un de ses rêves, le roi apprend que seul un jeune homme né dans l’autre monde pourra la sauver. La fille du roi, Anne, entreprend alors une odyssée pour trouver cet homme au milieu des cendres. Gabriel et Anne s’aiment sans se connaître. Ils parcourent le monde pour se trouver, et par leur union, sauver les deux mondes en péril. Ce spectacle est une déclaration d’amour au théâtre, une ode qui passe par tous les registres. Il commence comme un thriller, puis on passe par le drame, le mélodrame, le drame symboliste, la comédie, etc. Ce n’est pas un théâtre naturaliste, mais une vraie geste poétique.

Parlez-nous des comédiens…

S.F. : C’est une aventure de troupe qui englobe tout le monde. John Arnold fait office de figure paternelle tutélaire. Seize jeunes acteurs et actrices tournent autour de lui. La rencontre avec eux a été quasi amoureuse. J’ai pu écrire ce spectacle parce qu’ils étaient là. La place de la technique y est aussi très importante : les techniciens font le spectacle autant que les comédiens. Tous ensemble, nous venons d’acheter en Normandie une ancienne filature que nous transformons en une maison de théâtre. À nos yeux, aventure de vie et création sont intimement liées, d’un point de vue éthique et politique. Nous allons faire en sorte de ne surtout pas normer ce lieu de théâtre mais d’y penser ensemble le travail technique et celui du jeu. Nous voulons que cette maison, comme le théâtre que nous faisons, soit un palais des merveilles. « Emmener le spectateur au pays des merveilles en l’amusant chemin faisant par sa technique éblouissante », dit Meyerhold. La possibilité de replacer le théâtre à un endroit populaire passera par le merveilleux, j’en suis persuadé. Comme le fait depuis cinquante ans le Théâtre du Soleil. Je crois très fort en l’art du théâtre, d’autant plus par les temps qui courent : qu’un humain vienne en voir un autre lui rappeler leur humanité commune est un geste essentiel.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Nid de cendres, fresque monumentale de Simon Falguières
du samedi 9 juillet 2022 au samedi 16 juillet 2022
Festival d’Avignon. La Fabrica
11 rue Paul Achard, 84000 Avignon

Les 9 et 10, 12 et 13, 15 et 16 juillet, à 11h. Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 13h.

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