Reconstitution : le procès de Bobigny de Maya Boquet et Émilie Rousset, mis en scène par Émilie Rousset
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A l’Espace Cardin, Alain Françon met en scène une version âpre et singulière du Misanthrope. Une version qui échappe aux influences de la psychologie pour plonger les personnages de Molière dans un monde centré sur le surgissement du langage.
Ne cherchons pas ici les visions d’un théâtre qui creuserait Le Misanthrope à l’endroit de la tradition. La création que présente Alain Françon à l’Espace Cardin (c’est la première fois que l’ancien directeur du Théâtre national de la Colline s’empare d’une pièce de Molière) fait fi des conventions pour porter un regard totalement libre sur les existences d’Alceste, de Célimène et des membres de la société qui les entourent. Ce regard s’affranchit de toute idée d’ornementation esthétique ou psychologique pour nous transporter dans un espace au réalisme atemporel (le décor est de Jacques Gabel), un salon quasiment vide au sein duquel des êtres d’hier ou d’aujourd’hui (les costumes de Marie La Rocca tendent vers le contemporain) s’avancent, parlent, évoluent, se font face : femmes et hommes à bien des égards énigmatiques qui donnent l’impression de ne tenir debout que grâce à l’appui des alexandrins à travers lesquels ils s’expriment. Mise en question de l’amour, des compromissions et des vanités sociales, des faux discours et des voies de la droiture… Dans ce Misanthrope âpre mais jamais noir, drôle sans être rieur, les interprètes évoluent sans filet, condamnés à révéler la profondeur du théâtre qu’ils incarnent par le seul biais de leur verbe et de leur intériorité.
Gilles Privas, un Alceste atypique
Par moments, cette profondeur fléchit, certains comédiens peinant à soutenir la densité et l’exigence que nécessite la mise en scène d’Alain Françon. Ce n’est pas le cas de Gilles Privat, qui éclaire le personnage d’Alceste d’une vérité et d’une originalité de chaque instant. Aux antipodes des couleurs que l’on attribue habituellement à ce rôle, son Misanthrope apparaît davantage inquiet qu’ombrageux, davantage gauche qu’acariâtre, davantage empêtré dans les contraintes de son époque que fondamentalement atrabilaire. Une forme de générosité, voire d’humanisme point derrière les excès de son tempérament. Face à lui, Marie Vialle, loin de toute coquetterie, donne corps à une Célimène solitaire et pleine de mystère. Quant à Dominique Valadié et Pierre-François Garel, ils excellent dans les rôles d’Arsinoé et de Philinthe (Régis Royer, Lola Riccaboni, Pierre-Antoine Dubey, David Casada, Daniel Dupont, David Tuaillon et Joseph Rolandez complètent la distribution). Radical sans être formaliste, le Misanthrope d’Alain Françon surprend. Il éclaire la pièce de Molière d’un jour nouveau, et réaffirme son engagement pour un théâtre du texte célébrant l’art de l’acteur.
Manuel Piolat Soleymat
2019 à 20h, le dimanche à 15h, relâche les lundis. Durée de la représentation : 1h55. Tél. : 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com
Egalement du 16 au 21 octobre et du 4 au 9 novembre 2019 au Théâtre national de Strasbourg.
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