Noli me tangere – 1ère nouvelle
De son expérience de l'enfantement, point de [...]
Avignon / 2014 - Entretien Robyn Orlin
On parle trop peu du corps en Afrique, souligne Robyn Orlin. Connue pour ses œuvres sans concessions, la chorégraphe interroge les idées réductrices sur le « corps de l’autre » et détourne les pressions dont il fait l’objet – en Afrique ou ailleurs.
Pour votre prochaine création, vous travaillez avec huit danseurs de l’Ecole des Sables, fondée par Germaine Acogny. D’où vient ce projet ?
Robyn Orlin : C’est le directeur de l’Institut Français de Dakar, Alban Corbier-Labasse, qui a suggéré cette collaboration. Germaine Acogny et moi nous connaissons depuis plusieurs années ; elle m’avait déjà invitée à donner un atelier au Sénégal. Je crois que l’une et l’autre, nous n’attendions que la bonne occasion de monter un projet de création.
Comment le travail avec les interprètes se déroule-t-il ?
R. O. : J’ai découvert des artistes pleins d’un formidable appétit pour la nouveauté. C’est très rafraîchissant – et c’est passionnant pour moi de me familiariser avec des pays africains que je connais moins que l’Afrique du Sud, où je suis née. L’Ecole des Sables est en outre un lieu très spécial : un lieu de danse et un lieu de vie, où l’on travaille dans un superbe espace en plein air et où l’on mange tous ensemble… Le petit village de Toubab Dialaw (à 50 km de Dakar), où l’Ecole des Sables est implantée, la soutient d’une façon impressionnante. Les enfants du village viennent danser auprès des professionnels ! Germaine a créé un espace profondément généreux, qui irrigue tout le travail qui s’y déroule : c’est un lieu qui crée de la communauté.
Pour ce projet, vous voulez travailler sur le corps dans l’espace et ses implications politiques. Le corps en Afrique est-il à vos yeux sujet à des contraintes spécifiques ?
R. O. : Je ne pense pas que l’Afrique soit fondamentalement différente du reste du monde… Je dirais plutôt que l’imposition du pouvoir sur les corps, et la difficulté à en parler, que l’on peut observer en Afrique, nous renvoient à des interrogations sur la nature humaine. Je pense à la fréquence des viols, sur les femmes et sur les enfants : en Afrique du Sud, une femme est violée toutes les cinq minutes. Une telle situation dit beaucoup du rapport au corps, au silence qui l’entoure aussi… Cette question sera présente dans la création, sous une forme que je ne connais pas encore. Il s’agit, comme le suggère le titre, de se demander comment on peut se réfléchir soi-même. Nous en avons beaucoup parlé avec les danseurs à l’Ecole des Sables : ils en sont venus à me décrire une cérémonie sénégalaise, la « danse du faux lion », sur laquelle nous avons commencé à travailler. Elle apparaît comme une cérémonie qui aide les enfants à se confronter à leurs peurs. C’est peut-être cela l’enjeu : trouver, dans nos cultures, des outils pour affronter les questions cruciales.
Propos recueillis et traduits par Marie Chavanieux
Festival d’Avignon. Gymnase du lycée Aubanel, 14 rue Palapharnerie. Du 13 au 18 juillet à 18h. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 1h10.
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