Le champ des possibles, texte et jeu Elise Noiraud
texte et jeu Elise Noiraud
Publié le 1 juin 2019 - N° 277A travers l’arrivée à Paris de la jeune Elise qui quitte le giron familial, Elise Noiraud déploie une remarquable épopée, à la fois hilarante et caustique, intime et universelle.
« La grande Elise », c’est vraiment une grande artiste ! L’autofiction qu’elle déploie autour de ce moment charnière où l’on quitte le toit familial pour commencer à devenir adulte est une merveille de drôlerie et de finesse aussi précises que percutantes. A 19 ans, Elise décide en effet de quitter son village de Poitou-Charentes pour s’inscrire en faculté de lettres à La Sorbonne. Ce qu’Elise Noiraud, auteure, metteure en scène et interprète de ce seule-en-scène réussit parfaitement, et qui relève d’un équilibre difficile, c’est à travers l’épopée traversée d’humour de toucher à des questions universelles de manière très juste, très subtilement contrastée et exacerbée. Son histoire captive car en questionnant ce que signifie grandir, choisir et sortir de l’enfance, elle interroge aussi l’importance du cadre familial et de tout ce qui façonne l’éducation. Avec des moments de joie intense où pulse toute l’énergie de sa jeunesse, lorsqu’on a la vie devant soi, et d’autres où dominent abattement et tristesse.
Satire bien frappée
Son jeu restitue ce qui s’exprime par le langage mais aussi ce qui est implicite, ressenti, et qu’elle parvient à condenser en détails saisissants et essentiels. Thème récurrent et majeur, la relation entre la jeune Elise et sa mère se découvre sous toutes ses facettes, y compris la plus cruelle, et elle se révèle par strates qui s’accumulent et se répondent. L’amour maternel apparaît prévenant, mais aussi possessif, culpabilisant, envahissant voire totalement paralysant ! On ne s’étonne guère que la comédienne à l’issue du spectacle recueille régulièrement des confidences de spectatrices ou spectateurs à propos de leur mère, tant sa performance peut bousculer les consciences et inciter à réfléchir à ce que signifie grandir et être – relativement – libre… Quelques éclats relèvent de la pure satire bien frappée, à travers notamment certains portraits hilarants et caustiques qui raillent l’arrogance des nantis ou la stupidité de conseillers peu secourables. En une réplique et un hochement de tête, l’interprétation de la mère d’Agamemnon chez qui Elise fait du baby-sitting dit autant qu’une étude sociologique ! Nous n’avons pas vu ses deux précédents opus, La Banane américaine sur l’enfance et Pour que tu m’aimes encore à propos de l’adolescence, mais ce troisième volet révèle quant à lui un impressionnant champ des possibles ! Possibles de l’existence, et possibles de la scène…
Agnès Santi
A propos de l'événement
Le champ des possiblesdu samedi 18 mai 2019 au samedi 22 juin 2019
La Reine Blanche
2bis Passage Ruelle, 75018 Paris.
Du 18 mai au 22 juin, mardi, jeudi et samedi à 20h45, relâche le 11 juin. Tél : 01 40 05 06 96. Durée : 1h25. Avignon Off. Théâtre Transversal, du 5 au 28 juillet à 18h50, relâche le mardi.