Joueurs / Mao II / Les Noms
Le metteur en scène Julien Gosselin signe un [...]
Après avoir sillonné les routes du Pas-de-Calais la saison dernière, L’Autre Fille dans la mise en scène de Cécile Backès est repris à Béthune. La comédienne Cécile Gérard confère à cette lettre imaginaire adressée à une sœur morte l’évidence de la profondeur.
L’autre fille, c’est Ginette. La sœur qu’Annie Ernaux n’a pas connue. Morte à l’âge de six ans des suites de la diphtérie, deux ans avant la naissance de l’écrivaine, cette absente, qui deviendra une ombre, est longtemps restée enfouie dans le non-dit d’un secret de famille. Ce n’est qu’à l’âge de dix ans qu’Annie Ernaux, entendant sa mère se confier à une cliente sur le pas de son épicerie, apprend dans le même temps la naissance et la disparition de cette sœur aînée. Elle ne parlera jamais de cette découverte à ses parents, gardant pour elle le poids de cette connaissance clandestine. Mais l’autre fille, ce n’est pas uniquement Ginette, cette présence en creux, cette âme perdue pour le monde des vivants. C’est aussi celle qui est venue après, l’enfant de remplacement qui, elle, a su trouver les moyens de survivre… A partir de cette lettre adressée à une morte, Cécile Backès a créé la saison dernière un monologue théâtral dans le cadre du programme de décentralisation départementale de la Comédie de Béthune. Un monologue incarné par Cécile Gérard, qui s’empare de la mémoire d’Annie Ernaux (le texte est publié chez Nil Editions) avec une force faite de simplicité et d’intériorité.
Un théâtre de l’intime et de la proximité
La comédienne évolue au plus près du public, comme parmi lui, au sein d’un espace peuplé de tables en bois et de divers objets (cette ingénieuse scénographie du quotidien est signée Raymond Sarti). Entre mots et silences, lumières et paysages sonores, c’est un spectacle d’une grande sensibilité qui prend corps devant nous. On est saisis par l’intensité concrète que font naître la voix et la présence de Cécile Gérard. Par sa façon de se déplacer. De s’adresser aux spectatrices et spectateurs – sobrement, sans effet – les regardant à l’occasion dans les yeux, leur souriant. Les sollicitant pour lire une lettre. Etablissant, avec eux, une communauté de l’instant. On retrouve, dans ce travail plein de charme, toute l’envergure de l’écriture d’Annie Ernaux. Passionnée par cette littérature de la mémoire, Cécile Backès a trouvé le chemin menant à son accomplissement théâtral. Dans la même veine, elle crée en novembre Mémoire de fille (paru en 2016 aux Editions Gallimard), un théâtre de l’intime interprété par un quatuor de comédiens.
Manuel Piolat Soleymat
Les 14, 16 et 17 novembre à 18h30. Mémoire de Fille, du 13 au 17 novembre à 20h sauf le 15 à 18h30. Tél : 03 21 63 29 19.
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