La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Partage de midi

Partage de midi - Critique sortie Théâtre Strasbourg Théâtre National de Strasbourg
Partage de midi, mis en scène par Eric Vigner. Crédit : Jean-Louis Fernandez

Théâtre national de Strasbourg / de Paul Claudel / mes Eric Vigner

Publié le 23 octobre 2018 - N° 270

Sur le plateau du Théâtre national de Strasbourg, Stanislas Nordey, Alexandre Ruby, Mathurin Voltz et Jutta Johanna Weiss font vibrer Partage de midi de Paul Claudel. Une création de toute beauté mise en scène par Eric Vigner.

Voici un drame poétique qui aurait pu rester dans le secret d’un esprit et d’un cœur, loin des plateaux de théâtre. Ecrit en 1905 à partir de faits puisés dans l’existence de Paul Claudel, Partage de midi n’a été porté aux regards du public que 43 ans plus tard, en 1948, lorsque Jean-Louis Barrault créa la pièce au Théâtre Marigny dans une version revue par l’auteur pour l’occasion. Aujourd’hui, c’est le texte originel – plus âpre, plus anguleux et abrupt – que met en scène Eric Vigner. Il accomplit de la sorte un geste artistique imposant. « C’est beau comme du Claudel ! », a-t-on envie de s’exclamer au sortir de ce spectacle qui célèbre l’éclat et la puissance d’une écriture rare. Il faut dire que les comédiens qui investissent les ambivalences et les perplexités de cette triple histoire d’amour (Stanislas Nordey joue le rôle de Mesa, Alexandre Ruby celui d’Amalric, Mathurin Voltz celui de De Ciz, quant au personnage d’Ysé, il est pris en charge par l’étonnante Jutta Johanna Weiss) font plus qu’interpréter cette œuvre. Ils la scandent, l’exaltent, la profèrent, la font sonner, résonner, vibrer. Ils rendent éclatantes son intensité poétique et sa force d’inspiration.

Un théâtre de la langue

Il faut aller écouter ce Partage de midi, ressentir la matière brûlante du théâtre auquel il donne vie. Parfois à la limite du formalisme, sans pourtant jamais délaisser la corporalité des mots et des métaphores dont il s’empare, ce théâtre de la langue s’extirpe des petites choses du réalisme et de la psychologie pour convoquer les élans d’un ailleurs. On est ici dans les mystères du concret, plutôt que dans les garanties du quotidien. D’une grande exigence, ce voyage au cœur des sinuosités de l’amour et des souffles du sacré ne serait pas ce qu’il est sans la présence magnétique de Jutta Johanna Weiss. L’actrice confère à son personnage une envergure qui, d’acte en acte, s’impose et se transforme par le biais de toutes sortes de visions. Tour à tour altière, espiègle, charmeuse, distante, impérieuse, démunie, combative, docile…, l’Ysé qui se présente à nous semble porter en elle toutes les femmes. Au sein d’une scénographie (signée du metteur en scène) qui allie accents symbolistes et dépouillement, les quatre interprètes – tels des musiciens – ne cherchent pas à résoudre les ellipses qui rendent l’écriture de Paul Claudel si particulière. Ils font confiance à la grandeur de l’œuvre qu’ils incarnent. Et nous mènent sur le chemin de ses fulgurances.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Partage de midi
du vendredi 5 octobre 2018 au vendredi 19 octobre 2018
Théâtre National de Strasbourg
1 avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg

Salle Koltès. à 19h. Relâches les dimanches 7 et 14 octobre. Durée de la représentation : 2h30. Tél. : 03 88 24 88 24. www.tns.fr.

Egalement du 13 au 15 novembre 2018 à La Comédie de Reims, du 12 au 19 décembre au Théâtre national de Bretagne à Rennes, du 29 janvier au 16 février 2019 au Théâtre de la Ville à Paris.

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