La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Laurent Gaudé

Laurent Gaudé - Critique sortie Théâtre
Crédit visuel : B. Nuttens/Actes Sud

Publié le 10 janvier 2008

Ecrire pour contrarier sa tranquillité.

La Maison du conte et le Centre culturel de Chevilly-Larue présentent un parcours autour de l’œuvre de Laurent Gaudé. Récit musical, opéra, théâtre… A l’occasion de cette série de rendez-vous, l’écrivain lira, en avant-première, des extraits de sa prochaine pièce : Sofia Douleur*.

Les différents spectacles programmés à Chevilly-Larue portent certaines de vos œuvres en dehors de leur forme artistique initiale. Qu’est-ce que vous inspire ce genre d’adaptations ?
 
Laurent Gaudé : Pour être totalement honnête, lorsque que quelqu’un vient me voir avec un projet nécessitant un déplacement de forme, ma première réaction est double. Je me dis pourquoi pas, mais me demande également pourquoi, au fond, aller chercher un récit ou un roman pour l’adapter à la scène alors qu’il existe des pièces écrites pour cela. Mais je dépasse très vite ce trouble, car je pense que ce qui est écrit et édité, d’une certaine façon, ne m’appartient plus tout à fait. Les œuvres sont essentiellement faites pour que les autres s’en emparent.
 
Quel rapport entretenez-vous avec la dimension orale de l’écriture ?
 
L. G. : Je crois que la destination finale idéale de tout ce que j’écris est la lecture à voix haute. Car il me semble que mon écriture entretient un rapport étroit avec l’oralité, que la nature de l’adresse de mes textes se prête particulièrement bien à la lecture publique. Pour autant, je ne nie pas la différence entre l’écriture pour le théâtre et l’écriture pour le roman.
 
 « Mon écriture entretient un rapport étroit avec l’oralité. »
 
A quel endroit se situe, pour vous, cette différence ?
 
L. G. : Elle se situe justement dans l’adresse. Le roman, par exemple, est destiné à une lecture calme, intime. Lorsque j’écris un roman, j’ai un peu l’impression que je chuchote à l’oreille de mon lecteur, que se noue une relation d’individu à individu entre lui et moi. Pour le théâtre, c’est exactement le contraire. Les mots doivent résonner, remplir un espace à travers une adresse directe, une forme de profération. A l’inverse du roman, le texte de théâtre est fait pour être entendu de façon ouverte. Mais là où cela se complique, c’est lorsque l’on compare des pièces monologuées, comme Onysos le furieux par exemple, et des nouvelles écrites à la première personne du singulier… Sans doute existe-t-il un procédé d’ordre inconscient qui oriente la façon d’écrire, la syntaxe que l’on emploie, lorsque l’on sait que l’on travaille pour la scène.
 
Fondamentalement, quelle impulsion est-elle à l’origine de votre écriture ?
 
L. G. : Cette question renvoie à la face cachée de chaque écrivain. L’écriture est l’exploration permanente d’un mélange de fantasmes, de terreurs personnelles, de rêves… Le choix d’un sujet ne constitue finalement que la surface d’un texte. Le point de départ est beaucoup plus opaque et pulsionnel que cela. Il se situe du côté de la jouissance, du plaisir d’écrire, mais aussi du désir paradoxal de ne pas se laisser en paix, de contrarier sa tranquillité.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


La Mort du roi Tsongor* (récit et musique, dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin), mise en scène et adaptation de Guillaume Servely et Olivier Letellier. Du 18 au 27 janvier 2008. Le mercredi et le jeudi à 19h30, vendredi et le samedi à 21h00, le dimanche à 16h00, relâche le lundi et le mardi.
Les Sacrifiées* (opéra), mise en scène de Christian Gangneron ; musique de Thierry Pécou. Le 2 février 2008 à 20h30.
Onysos le furieux* (théâtre), mise en scène de Charlie Brozzoni. Le 15 février 2008 à 20h30.
Rencontre avec Laurent Gaudé et lecture d’extraits de Sofia Douleur le 19 janvier 2008 à 15h30 (entrée libre).
La Maison du conte et le Centre culturel de Chevilly-Larue, 102, avenue du Général-de-Gaulle, 94550 Chevilly-Larue. Réservations au 01 41 80 69 69 ou sur resa@ccchevilly-larue.com
 
* Les écrits de Laurent Gaudé sont publiés chez Actes Sud et Actes Sud-Papiers.

A propos de l'événement


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