La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

L’Anniversaire

L’Anniversaire - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Vieux-Colombier.
Une tranquille pension de famille en bord de mer… Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

De Pinter / Mise en scène Claude Mouriéras

Publié le 15 octobre 2013 - N° 213

Le cinéaste et documentariste Claude Mouriéras s’essaie au théâtre de la menace de Pinter avec l’une des premières pièces du Nobel anglais.

Etrange affaire… Stanley vivote gentiment dans une pension de famille en bord de mer, unique résident choyé par Meg, maternelle maîtresse de la maison. Le jeune homme traîne son ennui et vague dans une existence un peu débraillée, parfois relevée de quelques sautes d’humeur et siestes câlines. Il était pianiste de bar, dit-il, avait voyagé de par le monde. Il se repose un peu, dit-il. Peter, le mari, loueur de transat dans la station balnéaire, annonce un beau matin la venue de deux clients, qui débarquent presto dans la morne routine de cet asile apparemment sans histoire. Drôles de zigs que ces deux-là. Bien mis certes, mais bien étranges aussi. Goldberg, cynique hâbleur, la violence muselée sous le sourire débonnaire, et McCann, inquiétant maniaque, sèment le trouble qui court tel un frisson glacial au dos des murs. Que cherchent ces sinistres complices ? Pourquoi imposent-ils une fête pour l’anniversaire de Stanley ? Est-ce bien d’ailleurs son anniversaire puisqu’il le nie ? Et pourquoi le bombardent-ils de questions ineptes ? Sont-ils des bourreaux désœuvrés ou des tueurs en service commandé ?

Sournoise terreur

Dans cette pièce datée de 1958, une de ses premières, Pinter ourdit la trame de son « théâtre de la menace » qu’il tend sur un fil, entre absurde et effroi, Beckett et Kafka. Il esquisse des possibles, ouvre des questions, suscite des hypothèses, déroute les spéculations et glisse le sens derrière le paravent des mots, au creux des silences souvent. On ne saura jamais, finalement, pourquoi tous se soumettent à cette sournoise terreur, surtout Stanley. Ni qui sont ces deux tortionnaires, exécuteurs de quelque puissante mafia ou agents inflexibles d’un mystérieux pouvoir totalitaire. Qu’importe. L’inquiétude vient justement de ce trouble, de cette ambiguïté qui vient flouter les lisières du réel, du double-fond du langage, de la duplicité du dialogue qui vire à l‘interrogatoire puis au supplice. La mise en scène, certes complexe tant elle demande subtilité et précision, semble ici encore trop hésitante. Cinéaste et documentariste, Claude Mouriéras opte pour un décor réaliste qui installe une proximité quotidienne, tandis que les comédiens portent leur personnage avec grand naturel. Peut-être trop justement, car le jeu peine à s’introduire dans la pièce, ou alors à coup d’artifices, et colle la métaphore au ras du plancher. On ne saurait dire pourquoi, manquent aussi le rire, le désarroi sourd, les feintes de la parole, l’aveu des silences et les semblants de l’identité. Bref, ce qui noue la tension. Etrange affaire, vraiment…

Gwénola David

A propos de l'événement

L’Anniversaire
Théâtre du Vieux-Colombier.
21, rue du Vieux-Colombier, 75006 Paris

Jusqu’au 24 octobre 2013, à 20h, sauf mardi à 19h et dimanche à 16h, relâche lundi. Tél. : 01 44 39 87 00/01. Durée : 1h45.
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