La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Laissez-nous juste le temps de vous détruire

Laissez-nous juste le temps de vous détruire - Critique sortie Théâtre
Légende : Bonheur artificiel d’un monde repeint en vert. Crédit photo : David Schaffer

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

Tandis que dans la campagne présidentielle, la question écologique s’apprête encore une fois à passer au second plan, Laissez-nous juste le temps de vous détruire explore cette désespérante incapacité de la parole verte à produire un discours entraînant. Déprimant.

Créé au Théâtre du Fil de l’eau à Pantin, la dernière pièce mise en scène par Myriam Marzouki s’appuie sur un texte écrit par Emmanuelle Pireyre, travaillé  en collaboration étroite avec le plateau. Après des collaborations avec Jean-Charles Massera et Patrick Ourednik, la metteure en scène poursuit son aventure à travers des écritures contemporaines qui méritent bien cet accueil à la Maison de la poésie tant elles sont novatrices, singulières, en prise avec des thématiques et esthétiques d’aujourd’hui. Pour échantillons : la désopilante version orale d’un tchat érotico-culinaire avec ses “Enter“, ses “Lol“ et ses “Smiley“ ; ou encore des chansonnettes distanciées, entre nouvelle scène française et parodie de  comédie musicale, qui portent le désarroi d’une société trouvant refuge dans la dérision. Car, de manière moins anecdotique, ces textes choisis par la metteure en scène, et celui d’Emmanuelle Pireyre en particulier, sentent le désespoir de générations privées d’idéologies, qui, sur les décombres du vingtième siècle font fleurir leurs mélancoliques difficultés à croire et à s’engager.

Saynètes et intermèdes

Un décor tout en vert, fausses façades et palissades en toc, entre les Télétubbies et Jacques Tati, la banlieue pavillonnaire des Trente Glorieuses et ses rêves de bonheur servent de cadre à une  première exploration drolatique de notre manière d’habiter le monde, sous couvert d’une étude ethno-sociologique autour du barbecue. Mais inutile de raconter l’histoire : suivront bien un couple parti s’installer en maison bio à la campagne et des propositions alternatives à ce qu’aurait pu être la pièce (des idées notamment sur la dénonciation des excès de la finance). Mais la pièce progresse essentiellement par fragments, saynètes et intermèdes. Résultat de cette écriture de plateau qui relaie les propositions et improvisations des comédiens (très bons dans leur jeu stylisé et distancié) : un univers à la fois surprenant et cohérent, drôle et en perpétuel renouvellement, qui fraie avec la critique du discours écologique tout en soulignant sa nécessité. L’ensemble est  ironique juste ce qu’il faut, sans tomber dans la facilité, donne à réfléchir sur un mode intello et distancié, un peu “parisien et branché“ comme on disait dans les années 80. Incontestablement, cependant, des énergies renouvelables, le théâtre peut en puiser de ce côté.

Eric Demey


Laissez-nous juste le temps de vous détruire d’Emmanuelle Pireyre, mise en scène de Myriam Marzouki. Du 7 au 25 mars à la Maison de la poésie, passage Molière, 157 rue St-Martin, Paris 3ème. Réservations : 01 44 54 53 00.

A propos de l'événement


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