La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2010 Entretien / Joël Dragutin

L’action culturelle : une entreprise minoritaire, artisanale et qualitative

L’action culturelle : une entreprise minoritaire, artisanale et qualitative - Critique sortie Avignon / 2010
Joël Dragutin

Publié le 10 juillet 2008

Joël Dragutin, metteur en scène et directeur du théâtre 95 de Cergy-Pontoise, développe, outre la création, des actions culturelles au cœur du territoire (milieu scolaire, maisons de quartier…). Un exemple concret de vie d’un théâtre implanté en grande banlieue parisienne.

Peut-on parler de désengagement de l’État en 2009 ? Comment votre budget a-t-il évolué et quelle est la part des collectivités territoriales dans le fonctionnement de votre théâtre ?
Joël Dragutin : La question de l’engagement ou du désengagement de l’État ne date pas de 2009. Cela fait maintenant une bonne quinzaine d’années que ce processus est engagé. Entre les diverses lois de décentralisation et le recul des préoccupations culturelles chez les élites en général, il est certain qu’il y a un réel désengagement de l’état, mais la question financière n’est pas la seule. Le président de la république a même pu récemment « dégeler » les crédits du spectacle vivant qui avaient été mis en réserve dans un premier temps, sans que cela ne constitue en rien le signe d’un nouvel « engagement ». Le temps où l’état se donnait les moyens de s’engager dans une politique ambitieuse de soutien aux créateurs sur la durée, ne semble – la crise "aidant" – plus d’actualité. Pour ce qui concerne notre théâtre, la part de financement qui provient des collectivités territoriales est d’environ 60% de notre budget, le reste se répartit entre l’aide de l’état et nos recettes propres.

« beaucoup moins cher de se rendre dans un théâtre comme le nôtre que d’aller au cinéma, dans un stade ou en boîte de nuit. »

Comment le spectacle vivant s’inscrit-il dans le territoire ?
J. D. : Comme la plupart des structures et des institutions culturelles, nous faisons un énorme travail en direction des publics jeunes, des publics issus de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « diversité » et même des publics dits « exclus». Nous sommes présents sous des formes multiples dans les écoles, les lycées, à l’université, dans les centres de loisir, les maisons de quartier, etc. Nous pratiquons des tarifs qui, non seulement ne sont pas dissuasifs, mais, même, deviennent dérisoires. Il est, depuis longtemps, beaucoup moins cher de se rendre dans un théâtre comme le nôtre que d’aller au cinéma, dans un stade ou en boîte de nuit. Plus spécifiquement, nous développons au Théâtre 95 plusieurs actions récurrentes qui visent à impliquer artistiquement les habitants de notre territoire dans notre programmation.

La politique culturelle a-t-elle les moyens de toucher la jeunesse ? 
J. D. : Nous consacrons une part importante de notre budget à travailler en direction de la jeunesse, et nous avons les moyens de mettre en oeuvre un certain nombre d’actions spécifiques. Mais avons-nous pour autant les moyens de proposer une alternative signifiante aux industries culturelles qui ciblent la jeunesse, au travers des “majors internationales“ qui vendent et mettent en ligne une multitude de produits culturels de masse ? Non, certainement pas. “Toucher“ vraiment la jeunesse, ce serait sans doute, aujourd’hui, être “compétitifs“ face à la profusion des offres. Et là, évidemment, sur le terrain purement statistique nous sommes loin du compte. Nous nous situons de fait sur un autre plan, et nous devons donc accepter de proposer une autre "offre" plus artisanale et minoritaire. C’est à la fois une force en terme "qualitatif" et une faiblesse en terme "quantitatif". Nous suscitons souvent, auprès des jeunes, des réactions plus qu’encourageantes, ce qui tendrait à prouver qu’il y a encore une vraie place pour une action culturelle qui échappe aux lois du marché.

Propos recueillis par Agnès Santi

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