LA VOIX HUMAINE

Du téléphone comme personnage lyrique… À l’origine monologue théâtral de Jean Cocteau, La Voix humaine est devenue, comme par évidence, une œuvre lyrique de Francis Poulenc en 1956, un quart de siècle après sa création à la Comédie-Française. Œuvre atypique, monodrame ou plutôt dialogue sans réplique, ce tour de force lyrique ne devrait guère se prêter à une représentation scénique – et de fait, l’œuvre connut rapidement un grand succès discographique avec la créatrice du rôle, Denise Duval, et l’Orchestre de l’Opéra dirigé par Georges Prêtre. Pourtant, nombre de metteurs en scène ont relevé le défi, aiguillonnés par le désir (un peu masochiste, peut-être ?) des cantatrices de jouer et chanter cette œuvre où le beau rôle est pour le personnage absent, l’amant distant que l’on devine, lointain mais rendu présent, de façon toute factice, par le combiné que l’héroïne malmenée ne veut pas lâcher. L’orchestre, qui joue le rôle de trait d’union entre les deux amants, est ici réduit au seul piano de Pascal Jourdan, ce qui renforce encore le caractère de huis clos de l’œuvre, intimiste certes, mais surtout dérangeante tant elle place le spectateur en position de voyeur. Vincent Vittoz, acteur, chanteur et metteur en scène qui a beaucoup travaillé avec la Péniche Opéra, sait combien il est difficile, mais aussi stimulant, de capter l’attention sur des formes a priori très éloigné du « grand spectacle ». Il a la chance de travailler pour cette production avec la mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac, au tempérament dramatique souvent loué et qui chante ici, comme on dit, dans son arbre généalogique : elle est l’arrière-petite-nièce de Francis Poulenc.

Jean-Guillaume Lebrun