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Théâtre - Entretien

La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, mis en scène par Eric Ruf

La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, mis en scène par Eric Ruf - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française Salle Richelieu
© Brigitte Enguerand Eric Ruf, metteur en scène et administrateur général de la Comédie-Française.

texte de Bertolt Brecht / mes Eric Ruf

Publié le 28 mai 2019 - N° 277

Ce fut la dernière mise en scène d’Antoine Vitez, alors administrateur général de la Comédie-Française, qui marqua l’entrée de La Vie de Galilée au répertoire de la Maison de Molière. Vingt-neuf ans plus tard, Eric Ruf signe une nouvelle production de la pièce de Bertolt Brecht. Avec Hervé Pierre dans le rôle du savant italien.

Vous avez choisi Hervé Pierre pour interpréter le rôle-titre de La Vie de Galilée. Qu’est-ce que ce choix traduit du regard que vous portez sur cette pièce ?

Eric Ruf : En fait, les choses se sont déroulées différemment : c’est en cherchant un rôle pour Hervé Pierre que j’ai pensé à La Vie de Galilée, me souvenant que Roland Bertin l’avait joué dans la mise en scène d’Antoine Vitez. Il y a, me semble-t-il, un héritage évident entre ces deux comédiens. Je me suis donc plongé dans cette pièce. Et j’ai été très étonné du portrait d’homme que réalise Brecht. Car je dois l’avouer, je n’étais pas, avant cela, un grand lecteur de ce théâtre.

Qu’est-ce qui vous a surpris ?

E.R. : N’étant pas un grand connaisseur de Brecht, j’avais une sorte de méfiance à l’égard de son œuvre, la considérant – sans doute un peu bêtement – comme une œuvre manichéenne, didactique. Mais dès les premières pages, j’ai été fasciné par l’intelligence du regard que cette pièce porte sur le personnage de Galilée. Tous les grands auteurs, finalement, lorsqu’ils s’intéressent à ce genre de figures, s’amusent à les faire descendre de leur piédestal pour essayer de saisir les ressorts des grands événements dont elles ont été les initiatrices. C’est précisément ce que fait Brecht avec Galilée.

 Quel portrait dresse-t-il du savant ?

E.R. : Il dresse le portrait d’un jouisseur. Un jouisseur qui jouit, bien sûr, de la science, des idées, mais également du bon vin, des plaisirs de la table, de ceux de la chair… Ce personnage m’a tout de suite énormément intéressé… Evidemment, Hervé Pierre est un comédien magnifique pour jouer ce genre d’hommes. Par le passé, je lui ai déjà demandé d’interpréter Peer Gynt (ndlr, en 2012). Ce sont des pièces qui n’ont pas grand-chose à voir l’une avec l’autre, mais leurs personnages principaux sont tous deux des êtres hors-normes. L’homme que dépeint Brecht dans La Vie de Galilée est d’une épaisseur de cuir peu commune. Il se nourrit autant de la critique de l’obscurantisme religieux que fait émerger Brecht que du doute fondamental sur la portée de la science qui perce à la fin de la pièce… Finalement, ce Galilée est une sorte d’antihéros, un personnage que l’on pourrait croire uniquement lumineux et qui, pourtant, révèle de nombreuses zones d’ombre.

 « Chez Galilée, il y a un côté clochard céleste qui correspond parfaitement à ce qu’Hervé Pierre peut faire surgir sur scène. »

Qu’est-ce qui, chez le comédien qu’est Hervé Pierre, vous semble correspondre aux registres de jeu que nécessite ce rôle ?

E.R. : Hervé Pierre est un acteur-monde. Quand je l’ai vu dans la version de La Tempête mise en scène par Robert Carsen (ndlr, spectacle créé en décembre 2017, Salle Richelieu), où il jouait un clown enfermé dans une bouteille, je me suis dit que je voulais absolument retravailler avec lui. Il est d’une telle truculence, il possède un rapport au public tellement immédiat ! Chez Galilée, il y a un côté clochard céleste qui correspond parfaitement à ce qu’Hervé Pierre peut faire surgir sur scène. Le personnage de Brecht fait un peu penser à un moustique aveugle qui ne cesserait de se précipiter sur une lampe, alors que tout le monde autour de lui crierait « danger, danger ! »… Car malgré les risques qu’il encourt et qu’il fait encourir aux autres, Galilée poursuit sa quête, inlassablement : pour la reconnaissance, par orgueil scientifique, par appétit de réussite… Ce rôle, tel que je l’envisage, nécessite un acteur très concret, un acteur aussi capable d’investir les zones d’humour qui traversent la pièce. Le talent d’Hervé Pierre offre toutes ces possibilités-là.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, mis en scène par Eric Ruf
du vendredi 7 juin 2019 au dimanche 21 juillet 2019
Comédie-Française Salle Richelieu
Place Colette, 75001 Paris
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