La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Mégère apprivoisée

La Mégère apprivoisée - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Ville
La Mégère prise au piège du mariage. © Brigitte Enguérand

Théâtre de la Ville / Les Gémeaux / de Shakespeare / mes Mélanie Leray

Publié le 26 février 2015 - N° 230

La Mégère apprivoisée dirigée par Mélanie Leray fourmille d’idées et mêle note farcesque et propos incisifs sur les représentations de la femme. 

La Mégère apprivoisée est une pièce complexe, paradoxale : que veut dire Shakespeare dans cette comédie de jeunesse en faisant rire de la cruelle mise au pas d’une femme insoumise ? Petruccio y marie Catherine et la dompte. Catherine est pourtant une femme au caractère bien trempé, du type de celles que certains se plaisent à qualifier de mégère parce qu’elles revendiquent trop. Mais quelques semaines d’union suffiront  à Petruccio, homme en apparence pas des plus fins, pour transformer la furie en bien docile petite chatte – Petruccio n’a d’ailleurs de cesse, comme pour l’amputer, de l’appeler Cat. Voilà pour l’argument principal d’une pièce qui déploie par ailleurs les habituels procédés de la comédie shakespearienne : mise en abyme, tromperies, insultes et grivoiseries… La mise en scène de Mélanie Leray s’en empare avec gourmandise et développe une note farcesque souvent drôlissime conjuguée à un propos très parlant sur la place et les représentations de la femme dans la société.

Scolaires scotchés

Tout commence en tragédie, avec un discours d’Elisabeth Ière  à ses troupes – elle était paradoxalement en cette période patriarcale celle qui dirigeait seule l’Angleterre – : un discours invoquant Dieu, sa patrie et son peuple. En ces temps d’après Charlie, on tremble un peu face à une telle parole politique tandis que le rideau s’ouvre lentement sur une vidéo en gros plan tapissant le fond de scène : sur un plateau tournant comme suppliciée en place publique, une bride enfoncée dans sa bouche qui l’étrangle et la muselle, c’est la Mégère. Image terrible et lente qui fait aussitôt place dans un brusque changement de rythme et de ton, à la présentation des personnages de la pièce à venir, façon série télé, débit rapide et débile du présentateur sur un fond de formes et de couleurs psychédéliques très années 70. On ne sait plus trop où donner de la tête et l’énergique, électrique et éclectique troupe de très bons comédiens se charge alors brillamment de ne jamais laisser le spectateur poser pied à terre. Dans cette somptueuse cavalcade, les caractères sont parfois difficiles à cerner, les situations basculent (un peu) rapidement mais la nouvelle traduction de Delphine Lemonnier-Texier colle au plateau et à la langue d’aujourd’hui. La scénographie est belle et ingénieuse, l’utilisation de la vidéo sans cesse renouvelée joue avec les codes actuels de l’image, le jeu est tenu tout en fourmillant d’idées… Avec cette comédie tout en subtilités, Shakespeare nous balade et Leray se l’approprie très intelligemment…. Mentionnons le plaisir jubilatoire d’une salle aux trois-quarts remplie de scolaires, scotchés de bout en bout lors de cette première à L’apostrophe.

Eric Demey

A propos de l'événement

La Mégère apprivoisée
du mercredi 4 mars 2015 au vendredi 20 mars 2015
Théâtre de la Ville
2 Place du Châtelet, 75001 Paris, France

20h30, le dimanche à 15h, relâche le lundi. Tel : 01 42 74 22 77. Les Gémeaux / Scène Nationale, 49 avenue Georges Clémenceau, 92330 Sceaux. Du 24 au 28 mars à 20h45, le 29 à 17h. Tél : 01 46 61 36 67. Durée : 2h20. Spectacle vu à L'apostrophe à Cergy.

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