Terror Australis par Lea Shelton
par Lea Shelton
Publié le 7 octobre 2019 - N° 280Présenté à la Commune dans le cadre du festival d’Automne, le seule en scène Terror Australis passe à la moulinette l’imaginaire pop de l’Australie, dans un cabaret mi-kitsch, mi-gore, à l’humour ravageur.
Au Théâtre du Pont-Tournant, le FAB//Festival International des Arts de Bordeaux Métropole nous a emmenés dans une drôle d’Australie. Bienvenue dans cette ancienne colonie pénitentiaire anglaise, avec son bush et son outback, intérieur du pays désertique, brûlé par le soleil, à l’entrée bornée d’un monolithe rouge – comme un avertissement -, peuplé de dingos, de kangourous et de multiples autres dangers que bravent rarement les autostoppeuses. Ici les chiens sauvages mangent des bébés vivants et les hommes peuvent cacher des machettes sous leur siège conducteur. Ici les femmes hurlent régulièrement de terreur et se répartissent entre aguicheuses danseuses de cabaret et jeunes filles fragiles en robes longues et blanches. Poupées sexuelles ou poupées tout court, elles vivent dans un monde hyper phallocrate, où l’on sort son fusil aussi vite que les bières, où se mélangent excès de testostérone et de vin blanc, et où l’on ne jure que par le travail et les muscles. Souvenons-nous par exemple, suggère Lea Shelton, d’un des groupes phares du rock australien, Men at work, et de la production cinématographique nationale la plus célèbre, Crocodile Dundee.
Un vrai spot touristique à l’envers
L’extravagante performeuse de Terror Australis serait, elle, plutôt du genre Priscilla folle du désert – le côté drag queen en moins. Et c’est sur le fameux Thunderstruck d’AC/DC que son spectacle démarre (qui nous rappelle au passage les origines australes de l’international groupe de hard). Avec un séchoir en tourniquet, où pendent draps, culottes gaines et soutiens-gorge rembourrés, dont elle transforme le pied en barre de pole dance, cette grande blonde élancée aux formes fines et fermes de danseuse de cabaret dit beaucoup d’une certaine binarité qui paraît guetter les femmes australiennes : objets de prédation ou faibles créatures que l’on protège en les maintenant au foyer. A coup de parodies de films de série B, de récits glaçants aux allures documentaires et de chorégraphies animales absurdes – un dingo joue au cricket avec une tête de bébé, un kangourou roue de coups l’homme qui tente de l’achever – Lea Shelton, sans prononcer un mot du spectacle, raille la peur que peut générer l’imaginaire pop de ces terres australiennes. Danseuse et comédienne qui n’a pas froid aux yeux, à l’humour noir tendance gore, elle est soutenue pour cette tournée française par les organismes du gouvernement australien et de l’Etat du Victoria. On pourrait s’en étonner tant l’image qu’elle renvoie de l’Australie peut paraître négative, un vrai spot touristique à l’envers. Mais aussi s’en féliciter, tant elle donne à voir que de cette île colonisée de force peut surgir un humour volcanique et véritablement ravageur.
Eric Demey
A propos de l'événement
Terror Australisdu jeudi 10 octobre 2019 au dimanche 13 octobre 2019
Théâtre de la Commune
2 rue Edouard Poisson, 93300 Aubervilliers.
Du 10 au 13 octobre à 19h30, samedi à 18h, dimanche à 16h. Rens 0148331616. Puis à Aix-en-Provence et au Théâtre Garonne à Toulouse.
Spectacle vu au théâtre du Pont Tournant dans le cadre du FAB – Festival International des Arts de Bordeaux Métropole. Durée : 50 mn environ.