La Fresque
En tournée / Chor. Angelin Preljocaj
Publié le 25 septembre 2016 - N° 247La nouvelle création d’Angelin Preljocaj questionne le statut de la représentation dans notre société à travers une pièce qui mêle les registres du merveilleux et du surnaturel.
Avec La Fresque, on constate de nouveau à quel point Angelin Preljocaj est doué pour raconter des histoires sans rien céder d’une exigence chorégraphique fondamentale. La Fresque s’inspire d’un conte chinois, La peinture sur le mur, et plonge aux racines du monde fantastique des contes traditionnels d’Asie, où l’apparence n’est qu’illusion et la mort n’est séparée des vivants que par un voile. Dans cet univers insolite, la chorégraphie d’Angelin Preljocaj nous fait voyager dans une « autre dimension où l’image devient lieu de transcendance et où l’être physique entre en intelligence avec elle. »
Le récit est porté par la gestuelle et la très belle et sobre scénographie de Constance Guisset tout en panneaux coulissants (Asie oblige !), qui s’ouvrent et se ferment comme autant de focales différentes, et d’une « chose » protéiforme projetée sur les différents espaces du plateau, qui, au fond, est une sorte d’inconscient de ce conte d’où surgissent cheveux d’anges ou méduses, voie lactée et fantômes.
Voyage, voyages
On se laisse vite embarquer dans cette forêt de signes où les deux voyageurs, Chu et Meng, très terriens, sont caractérisés par un vocabulaire très virtuose mais conservant toujours une adhérence au sol, tandis que les moines ont une gestuelle aussi fluide qu’aérienne. Les jeunes filles ont tout d’une apparition irréelle, avec leurs mouvements alanguis et sensuels qui traversent les représentations orientalistes d’Ingres à Géricault tout en rendant, au passage, un hommage à la danse contemporaine, avec une sorte de danse des chaises qui s’inscrit directement dans l’histoire chorégraphique récente. D’une certaine façon, pour Angelin Preljocaj, cette Fresque est aussi l’occasion de revisiter l’Histoire de la danse et celle de ses propres œuvres. Ainsi cette apparition de masques qui évoquent immédiatement la danse expressionniste allemande, notamment celle de Mary Wigman, qui fut transmise à Preljocaj par Karin Waehner auprès de laquelle il étudia. Ou cette arrivée du voyageur dans l’autre monde les bras chargés de fleurs nous rappelant, de façon quasi subliminale, celle d’Albrecht à l’Acte II de Giselle. Mais on distingue aussi une sorte de traversée – de fresque synoptique – de l’œuvre de Preljocaj au fil des ans. Il y a des scènes époustouflantes, comme ces filles suspendues par leurs cheveux, ces duos d’une sensualité délicate, qui nous entraînent dans un rêve de Mille et une nuits et d’ombres chinoises. À ce titre, les lumières d’Eric Soyer sont somptueuses. Cette métaphore bien menée révèle un imaginaire d’une belle force poétique.
Agnès Izrine
A propos de l'événement
La Fresquedu mercredi 12 octobre 2016 au samedi 17 juin 2017
Grand Théâtre de Provence
380 Avenue Max Juvénal, 13100 Aix-en-Provence, France
Le 20 octobre. Tél. 04 42 91 69 70. Durée : 1h20. Egalement : à la Comédie de Valence du 12 au 14 octobre 2016, au Théâtre de l’Olivier d’Istres le16 octobre 2016, au Théâtre de Thionville le 25 novembre 2016, à l’Opéra Royal de Versailles du 29 novembre au 4 décembre 2016, à la Comédie de Clermont-Ferrand du 7 au 9 décembre 2016, à la Maison de la Danse de Lyon du 1er au 4 février 2017, à la Maison des Arts de Créteil du 1er au 4 mars 2017, au Théâtres en Dracénie de Draguignan les 1er et 2 avril 2017, à La Criée, Théâtre National de Marseille, du 14 au 17 juin 2017, à Chaillot Théâtre national de la Danse à Paris, du 3 au 23 décembre 2017.