La Fontaine, assemblée fabuleuse de Jean de La Fontaine, mise en scène de Nicolas Auvray

Est-il possible de redécouvrir avec bonheur les célébrissimes Fables, si familières de nos cahiers d’enfance, si installées dans notre imaginaire collectif, qui furent au programme de… l’agrégation de lettres modernes il y a quelques années ?  Eh bien oui ! Grâce au jeu épatant des deux comédiens, à une scénographie astucieuse et à une relation participative habilement menée avec le spectateur, l’alchimie fonctionne à merveille. Au centre du dispositif quadri-frontal trône une bibliothèque aux allures de cabinet de curiosités, à la fois expression d’un savoir pluriel qui ne connaît pas de frontières et malicieuse matière à jouer au service des acteurs et de leurs mouvements. En lice, Yves Graffey, 80 ans passés, vieux routier de la décentralisation, homme de théâtre aguerri et acteur chevronné, qui a eu l’idée de cette pièce, et le jeune et virevoltant Lomig Ferré, comédien formé en danse contemporaine, doué également pour le chant.

 Eloge de la transmission

De générations différentes – mais dans une gémellité soulignée par leurs costumes identiques -, ils s’engagent dans une joute alerte et contrastée orchestrée par Nicolas Auvray, qui fait entendre tout le piquant et la pertinence des fables et éclaire l’importance de la transmission. Ces écrits humanistes explorent les abus de pouvoir, fustigent nos travers, exaltent aussi la puissance de l’amour… Eternels sujets des sociétés humaines que la limpidité des Fables rend concrets de manière implacable, et souvent drôle ! Qui dit bibliothèque dit partage des connaissances et des idées, les spectateurs sont ainsi invités à choisir les textes qui seront lus. Sur un répertoire de plus de quarante fables, une dizaine sont ainsi tirées au sort. L’ensemble s’enchaîne avec fluidité, avec parfois de jolis moments d’émotion. S’invitent aussi quelques incursions dans d’autres accents que celui du français hexagonal, voire dans d’autres langues. D’un acteur à l’autre, d’une génération à l’autre, des acteurs au public, la transmission affirme ici sa capacité universelle, traversant l’espace et le temps pour peu que l’écoute soit valorisée. L’idée de cette « assemblée fabuleuse », c’est de « retrouver l’enfance », suggère Nicolas Auvray, directeur de la Comédie de Picardie, qui s’essaie ici avec succès à la mise en scène. Programmé en itinérance au fil de la saison dernière, le spectacle tout public poursuit sa route en région et rejoint cet automne la scène de la Comédie de Picardie, dans le même dispositif, avec le public installé sur le plateau.

Agnès Santi