La Terrasse

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Théâtre - Critique

Le Laboureur de Bohème de Johannes von Tepl, mise en scène de Marcel Bozonnet et Pauline Devinat

Le Laboureur de Bohème de Johannes von Tepl, mise en scène de Marcel Bozonnet et Pauline Devinat - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Poche-Montparnasse
Logan Antuofermo et Marcel Bozonnet © Pascal Gély

de Johannes von Tepl / mes Marcel Bozonnet et Pauline Devinat

Publié le 2 octobre 2020 - N° 287

Marcel Bozonnet monte pour la première fois un texte médiéval. Une réflexion sur la mort qui résonne particulièrement dans le contexte actuel.

Faut-il croire la légende qui affirme que Johannes von Tepl a écrit Le Laboureur de Bohème en une seule nuit à la mort de sa femme ? Ce serait un tour de force pour ce texte du XVe siècle qui explore méthodiquement les arguments autour d’une question essentielle de la condition humaine : la mort. Un laboureur vient de perdre son épouse, alors qu’elle donnait naissance à leur sixième enfant. Sous le coup de la colère, il invective la Mort et la maudit. Celle-ci apparaît et lui répond, alternant ironie, sagesse et fatalisme. Peu à peu, la colère du laboureur s’apaise, la raison prend le pas sur l’émotion tandis que la joute verbale prend une tournure plus théorique. Redécouvert au XIXe siècle, ce texte de la fin du Moyen Age, essentiel dans la littérature allemande et annonciateur des grands textes humanistes, est entré depuis quelques années au répertoire du TNP dans une mise en scène de Christian Schiaretti. Répondant à l’invitation de Philippe Tesson, Marcel Bozonnet livre sa version personnelle au Théâtre de Poche dans la traduction de Florence Bayard.

Marcel Bozonnet superbe de subtilité et de nuances

On comprend sans peine les endroits où ce texte peut résonner dans notre société marquée par la pandémie de Covid-19. Alors que la mort est devenue tabou au point de créer un hygiénisme exacerbé qui sacrifie beaucoup de nos libertés individuelles, Le Laboureur de Bohème vient rappeler l’inéluctabilité de notre finitude et invite à apprivoiser la mort – « philosopher, c’est apprendre à mourir », écrira quelques années plus tard Montaigne. La sobre mise en scène de Marcel Bozonnet et de Pauline Devinat, les décors discrets de Renato Bianchi ne cherchent pas l’effet. Un arbre peint souligne la condition du laboureur – choisie par von Tepl pour son rapprochement avec Adam (de l’hébreu adama qui signifie terre), premier homme contraint à travailler la terre ; une lune évoque notre inscription dans le cosmos. La mise en scène se concentre sur l’essentiel : la puissance de la disputatio entre le Laboureur (Logan Antuofermo) et la Mort (Marcel Bozonnet). Énoncée avec une grande clarté, la joute métaphysique fait mouche mais porterait davantage si elle était servie par deux comédiens de la même force. Hélas, le décalage est trop grand entre Logan Antuofermo, au jeu très linéaire, et Marcel Bozonnet, superbe de subtilité et de nuances, en plus de son magnifique timbre de voix. Ce contraste pourrait être voulu, manière de signifier l’irrémédiable opposition entre la vie et la mort ou l’inégalité du combat livré contre la grande faucheuse. Il donne plutôt l’impression que le dialogue tourne à vide, que la rencontre est manquée.

Isabelle Stibbe

 

A propos de l'événement

Le Laboureur de Bohème
du mardi 1 septembre 2020 au vendredi 30 octobre 2020
Théâtre de Poche-Montparnasse
75 bd du Montparnasse, 75006 Paris.

A partir du 1er septembre 2020, du mardi au samedi à 21h, dimanche à 17h. Tél : 01 45 44 50 21. Durée : 1h15.

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