La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2012 Entretien / Jean Joël Le Chapelain

La culture est un bien commun

La culture est un bien commun - Critique sortie Avignon / 2012

Publié le 10 juillet 2012

En mars 2012, juste avant les élections présidentielles, les scènes nationales et les Centres Dramatiques Nationaux d’Ile-de-France, soit quinze institutions, ont tiré la sonnette d’alarme, demandant aux pouvoirs publics de s’engager pour le développement du service public de la culture. Etat des lieux par Jean Joël Le Chapelain, directeur de L’apostrophe, scène nationale de Cergy-Pontoise et Val d’Oise.

« Dans le contexte de la crise, les résultats des établissements de la décentralisation sont plutôt bons ! »
 
Quelle est la situation des scènes d’Ile-de-France ?
Jean Joël Le Chapelain : Année après année, la situation se détériore. En 2012, le gel budgétaire de 6% du financement par l’Etat de nos institutions n’a pas été levé, et cela ralentit l’activité des théâtres. On rabote le budget de la culture année après année, il est tombé à 0,84% du budget global en 2011. Un plan de relance pour le spectacle vivant a été chiffré par les syndicats à 350 millions d’euros, ce qui est peu en regard du cadeau de 3 milliards accordé aux restaurateurs avec la baisse de la TVA. Pour nos institutions franciliennes, nous chiffrons la perte à plus de six millions d’euros en sept ans par le seul mécanisme de l’inflation sur les subventions de fonctionnement de l’Etat. Cette diminution du budget progressive depuis plusieurs années touche particulièrement les moyens alloués à l’action culturelle, ainsi que le soutien à la création. La situation est préoccupante, et nous espérons un changement, d’autant plus que dans le contexte de la crise, les résultats des établissements de la décentralisation sont plutôt bons !
 
Qu’en est-il de la fréquentation des publics ?
 
J. J. Le C. : La fréquentation des publics a augmenté avec régularité, dans des proportions modestes mais constantes. Certains considèrent que les théâtres sont vides, que la démocratisation culturelle aurait échoué, nous nous élevons avec véhémence contre ces affirmations contredites par les faits. Les moyens qui nous sont enlevés empêchent au contraire de générer davantage de public, car nous pourrions alors accompagner les créations de façon plus approfondie.
 
Quelle est la part de l’Etat dans le financement des établissements culturels ?
 
J. J. Le C. : Pour les scènes nationales, ce financement est d’environ 30%, il est plus élevé pour les centres dramatiques, de l’ordre de 50 à 60% ; et depuis l’implication plus grande des collectivités locales, ce montant se situe aux alentours de 45 à 50 %. Les collectivités locales supportent environ 2/3 du financement de la culture, avec des disparités. Les régions Rhône-Alpes ou Nord-Pas-de-Calais ont massivement investi dans la culture, tandis que la région Ile-de-France a préféré développer un projet dit de permanence artistique. Les collectivités doivent faire face à des obligations nouvelles, concernant par exemple la dépendance, qui obligent à des choix draconiens, elles doivent trouver des moyens de réduire leurs dépenses globales pour répondre aux objectifs. 
 
Quelle importance a l’action culturelle dans le fonctionnement des scènes d’Ile-de-France ?  
 
J. J. Le C. : La politique de démocratisation est née en même temps que la décentralisation, il est vite apparu au moment des créations des maisons de la culture, des scènes nationales, des CDN, qu’il était nécessaire de mettre en place des actions afin de favoriser l’accès à l’œuvre. Cette stratégie d’action culturelle encouragée par le ministère de la Culture représente une partie significative des budgets, et ces actions peu visibles, (dans les écoles, les prisons, etc), créent des endroits de proximité entre artistes et public qui confèrent à l’œuvre une épaisseur inédite. L’œuvre est un objet d’apprentissage, un objet de découverte d’un monde artistique. La relation à l’oeuvre se vit dans le partage, le rassemblement, l’échange. L’intensité et la complexité de cette fréquentation ne sont pas comparables avec ce que propose un écran. Les théâtres proposent un type de sensibilité et de regard critique que ne peuvent pas apporter les autres médias.
 
La culture est-elle, en temps de crise, un outil de développement économique ?
 
J.-J. Le C. : Les études sur les retombées économiques des festivals vont toutes dans le même sens, c’est une plus-value pour la vie de la cité sur le plan économique et culturel. Développer les activités culturelles sur un territoire (théâtres, bibliothèques, cinémas…) génère une dynamique, des consommations, des échanges. Les communes ont besoin de cet apport.  
 
Propos recueillis par Agnès Santi, en avril 2012

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