Who’s afraid of representation ? de Rabih Mroué et Lina Majdalanie, une mise en perspective du monde de l’art contemporain et de la violence qui déchire la société libanaise.
Dans le cadre du Portrait que leur consacre [...]
Michel Raskine s’enferme dans une chambre rouge pour un bilan existentiel entre revue des malheurs passés et règlement de comptes avec notre époque. Un rouge qui vire au noir !
On pense à Charles Quint, lassé d’assister aux funérailles des autres, organisant les siennes comme une ultime distraction. On songe à Rousseau en son Ermitage, ou à Pascal, considérant que « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir demeurer en repos dans une chambre ». On sourit évidemment aux paradoxes de ces misanthropes qui, comme Alceste, rêvent d’un désert à condition qu’une Célimène les y accompagne. Michel Raskine est de cette trempe. Le personnage qu’invente pour lui Marie Dilasser, « Moi », lui ressemble comme un frère en contradictions : torturé autant que convaincu de son génie, narcissique et humble, sensible et grossier, bougon et amusé, détestable comme Jean-Jacques et ses jérémiades infantiles, mais humain, trop humain, même. Il y a des chances que bien des hommes, surtout ceux de sa génération, se retrouvent dans la misérable carcasse de cet être, grand de se savoir misérable sans que sa grandeur ne puisse effacer sa misère. Après tout, on verra bien comment s’en sortent les autres, à l’heure du dernier bilan ! Tous ceux qui prétendent que l’âge les sanctifie pourraient apprendre de ce prétendu salaud qui contrairement à celui que définit Sartre, ne feint pas « d’ignorer la liberté et la contingence qui le caractérisent essentiellement en tant qu’homme ».
Grandeur et misère
La voix de Maman (interprétée par la fidèle Marief Guittier) est plus brutale, plus lucide et plus acerbe que celle de Madame de Warens. Elle explique de manière lumineuse le poids qui pèse sur les épaules des boomers grognons : avoir bénéficié de toutes les victoires sans avoir jamais payé le prix de leur conquête, et surtout pas connu l’enfer concentrationnaire duquel il fallut revenir pour que les suivants jouissent sans entraves. Michel Raskine fait aussi le bilan de cette libération, entre sexes dodus des amants foutraques et joie défunte de s’enfiler sans contraintes. Parce que le sida a nettoyé les backrooms, parce que l’ordre moral est de retour, muselant les ours et leurs gitons et émasculant les mâles dominants qui régnaient sur le monde, y compris sur celui de la culture, les seuls visiteurs qui osent encore pénétrer dans la chambre rouge rêvent d’adoption et de tangos en mode noli me tangere… Antoine Besson (Mitou) et Hugo Hagen (Lado) complètent la distribution de cette pièce intempestive et insolente, qui peut fâcher la bienséance à force de provocation, et à laquelle Marie Dilasser offre un texte qui ne s’embarrasse ni des conventions ni des niaiseries de l’affèterie. On peut railler Jean-Jacques et son bonnet arménien, on peut moquer Alceste et son incapacité à faire simple. On est bouleversé, cependant, en entendant Michel Raskine avouer qu’ « aimer, ça s’apprend sur le tas ». Il faudrait être alors bien méchant homme pour ne pas voir sourdre de ce spectacle l’infinie grandeur de nos cœurs creux et plein d’ordure.
Catherine Robert
Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; jeudi à 20h ; dimanche à 16h30. Tél. : 04 72 77 40 00. Durée : 1h15.
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