Les Larmes amères de Petra von Kant
Le metteur en scène Thierry de Peretti crée [...]
Difficulté d’aimer, poids du manque et de l’attente, énigme des relations homme/femme… La metteure en scène Célie Pauthe imagine un diptyque théâtral à partir des œuvres de Henry James et de Marguerite Duras. Saisissant.
Il y a tout d’abord La Bête dans la jungle*, chef-d’œuvre de Henry James (1843-1916) adapté au théâtre par Marguerite Duras (à partir d’une version scénique anglaise réalisée, au début des années 1960, par James Lord). Et puis, après un peu plus d’une heure et demie de représentation, commence La Maladie de la mort**, texte de Duras qui se situe, par la forme, aux antipodes de la nouvelle de James, mais qui revisite les mêmes lignes thématiques : l’attente, l’inassouvissement, l’introspection, la coupure entre le masculin et le féminin, la difficulté d’aimer… En mettant ces deux textes en regard, Célie Pauthe provoque un genre de choc thermique tout à fait surprenant. Car après les tableaux tout en lenteur, contournements, élégance, tout en retenue et en mises à distance de La Bête dans la jungle (texte dans lequel une femme décide de passer son existence à attendre, avec un homme, un mystérieux événement supposé, un jour, bouleverser la vie de ce dernier), la manière frontale et entière avec laquelle La Maladie de la mort nous amène à faire face aux protubérances du concret donne l’impression d’une chute, d’une perte d’équilibre.
Du plan large au plan resserré
Comme si un plancher cédait pour laisser place à un sol mouvant. Comme si – opérant un passage de l’objectif au subjectif, du plan large au plan resserré – le texte de Marguerite Duras nous entraînait dans une forme d’instabilité. Quelques minutes après le début de ce second volet, de nouveaux repères s’établissent et les personnages de La Maladie de la mort (huis clos entre un homme et une jeune femme payée pour vivre plusieurs jours avec lui, dans l’intimité d’une chambre) se mettent à faire écho, de façon édifiante, à ceux de La Bête dans la jungle. Pierres angulaires de cette double plongée du théâtre dans la littérature, les comédiens John Arnold, Valérie Dréville et Mélodie Richard prennent le parti de la consistance plutôt que de la performance démonstrative. Tous trois révèlent des présences impressionnantes. Ils font corps avec le spectacle, suivent le chemin tracé par une mise en scène qui s’écarte des effets pour privilégier la densité sourde, imposante, de l’attente et du temps qui passe.
Manuel Piolat Soleymat
* Nouvelle publiée, en version bilingue, par GF Flammarion. L’adaptation théâtrale est publiée par les Editions Gallimard (dans Théâtre III, Marguerite Duras).
** Publié, en 1982, par les Editions de minuit.
Grand Théâtre. Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Durée de la représentation : 2h20. Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr. Spectacle vu au Centre dramatique national de Besançon Franche-Comté. Egalement les 2 et 3 avril 2015 au Granit – Scène nationale de Belfort
Le metteur en scène Thierry de Peretti crée [...]