La Terrasse

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Théâtre - Critique

Koulounisation de Salim Djaferi

Koulounisation de Salim Djaferi - Critique sortie Théâtre Paris Les Plateaux Sauvages
Salim Djaferi présente Koulounisation © Thomas Jean-Henri

Les Plateaux Sauvages / Texte et mise en scène de Salim Djaferi

Publié le 23 novembre 2022 - N° 305

Dans le cadre du Festival Impatience, Salim Djaferi présente son enquête sur la manière de nommer la présence passée de la France en Algérie. Une performance tout en suspensions et en surprises.

Voilà un spectacle qui sera déjà bien rodé au moment de se produire dans le cadre du festival Impatience, après une semaine au festival d’Avignon cet été, mais aussi un passage par le festival Sens interdits à Lyon, par la friche Belle de mai à Marseille ou encore des CDN français et de fameuses scènes belges. La reconnaissance institutionnelle est d’ores et déjà acquise pour cette performance linguistico-plastique de Salim Djaferi, mais ce n’est pas une raison pour passer à côté d’une forme en apparence austère, qui recèle pourtant pas mal d’autodérision et un sens dramaturgique qui ne recule pas devant le coup de théâtre. Seul en scène, ou presque, Salim Djaferi s’empare d’un sujet qui devient – par bonheur – de plus en plus visible sur les scènes hexagonales : l’histoire de la colonisation de l’Algérie par la France et de son passage à l’indépendance. Partant d’un postulat simple qui énonce que le langage façonne notre rapport à la réalité, qu’il en est aussi un symptôme, et qu’il en devient par là même un enjeu des luttes de pouvoir, notamment quand il s’agit d’écrire l’histoire, l’artiste formé au Conservatoire royal de Liège conduit le spectateur à sa suite dans une enquête documentaire tout aussi sérieuse que bien menée.

Définir la colonisation via l’outil du langage

Le risque que courait Djaferi était d’enfoncer des portes ouvertes. Ce n’est pas une surprise que la dénomination de la colonisation change d’une rive à l’autre de la Méditerranée, mais chercher à définir ce qu’a pu être cette période d’occupation, dans les faits, via l’outil du langage, n’en demeure pas moins une démarche très fertile. D’autant que l’artiste la met en scène avec un certain sens de la digression, du mystère et du contre-pied. Dans un grand rectangle blanc, au milieu d’éphémères constructions en pavés de polystyrène, accrochant sur un fil une éponge et d’autres objets recueillis au cours de son enquête, comme autant d’indices à retenir dans la construction du sens, Salim Djaferi s’adresse directement aux spectateurs et efface le danger du didactisme par le recours à son histoire personnelle. Comment il s’est aperçu avec sa grand-mère qu’il n’y avait pas de mot arabe pour désigner la colonisation par exemple, autre que ce rigolo « koulounisation » où s’entend encore la moquerie du colon envers l’accent de l’autochtone. C’est donc à partir de son histoire personnelle que s’élabore cette lecture en apparence légère de l’histoire via une enquête dont la gravité et la violence ne se révèlent que progressivement. On oublie alors que l’intérêt et l’attention se sont relâchés par instants pour apprécier l’aboutissement magistral du spectacle.

 

Eric Demey

A propos de l'événement

Koulounisation
du mercredi 14 décembre 2022 au jeudi 15 décembre 2022
Les Plateaux Sauvages
5 rue des plâtrières, 75020 Paris

à 20h30. Tel : 01 83 75 55 70. Durée : 1h15. Spectacle vu au Théâtre des Doms à Avignon.

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