La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

King Size (substitution enharmonique)

King Size (substitution enharmonique) - Critique sortie Théâtre Nanterre Théâtre Nanterre-Amandiers
Le kitsch bourgeois version King Size. Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

Théâtre Nanterre-Amandiers
Conception et mise en scène Christoph Marthaler

Publié le 17 janvier 2014 - N° 216

Le metteur en scène suisse Christoph Marthaler décline les relations humaines en variations musicales… Cruellement irrésistible !

Niché dans une alcôve tout en fleurs tapissées, sagement cerné de boiseries bleutées et couvert de tout son long d’une parure tirée au cordeau, le lit king size trône dans son sommeil. Dedans, un homme tire une dernière bouffée de repos, puis se lève, se lave en quelques glouglous dans la salle de bain, coiffe son crâne chauve par habitude et file à l’anglaise s’installer au piano. Il égrainera, au gré de sa fantaisie, une panoplie de musiques, raccommodant en patchwork Bach, Schumann, Polnareff, pop américaine, compositions sérielles, Lieder et songs… Autant de façons de pratiquer l’enharmonie, « une technique de composition musicale qui permet d’écrire un même son, à la même hauteur, de deux manières différentes et donc avec deux fonctions différentes, à l’image du sol dièse et du la bémol. » Pendant ce temps-là, la vie bat à petites mesures. Un majordome et une femme de ménage vaquent à leurs occupations, se glissent un moment dans le rôle de Monsieur et Madame, en déclinent les variantes avec amants et placards, chantent, se couchent souvent, ne se touchent jamais. Une étrange vieille dame promène son cabas dans la pièce, y mange des spaghettis ou de la salade, cherche l’introuvable partition de ce délire savamment réglé. Soit l’illustration exacte de l’enharmonie appliquée aux relations humaines…

Increvable solitude

Chez Christoph Marthaler, les rêves vibrionnent en sourdine, les désirs ne s’accordent qu’au plus grand des hasards et les fantasmes meublent timidement le vide quotidien. Qu’importe, la routine continue, obstinément, et chacun s’y adonne avec rectitude. Dans cette chambre d’hôtel où le romantisme ne s’exprime plus qu’en imprimés fleuris, moulures dorées et moquettes feutrées, les désirs n’ont plus qu’à ronfler tranquillement. Ils éclatent encore parfois par brusques incartades et bizarres lubies. Dans King size, le metteur en scène suisse saisit à la pointe de l’humour ce petit monde bourgeois, engoncé dans la bienséance et les conventions. Il manie en virtuose l’art du décalage, planque discrètement l’absurde dans les armoires à double fond, derrière les portes et jusque dans le minibar, inaccessible à main nue. A l’unisson, les comédiens chanteurs font jouer tous les ressorts de ce décor kitsch de vieux vaudeville et montrent une parfaite maîtrise du geste, de la technique chorale et du corps dansé. Cette comédie musicale loufoque libère le rire à pleine gorge, mais laisse aussi sourdre la mélancolie profonde de l’être face à la vérité de son increvable solitude.

Gwénola David

A propos de l'événement

King Size (substitution enharmonique)
du samedi 18 janvier 2014 au samedi 25 janvier 2014
Théâtre Nanterre-Amandiers
7 avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre Cedex.

Du 18 au 25 janvier 2014, à 20h30, sauf jeudi à 19h30, dimanche à 16h, relâche lundi. Tél. : 01 46 14 70 00. Durée : 1h20. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2013.
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