La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Killing robots de Linda Blanchet

Killing robots de Linda Blanchet - Critique sortie Théâtre France En tournée
DR HitchBot, the hitchhiking robot, au cœur de l’enquête…

Conception, écriture et mise en scène Linda Blanchet

Publié le 10 novembre 2019 - N° 281

Après le succès de leur précédent opus, Le Voyage de Miriam Frisch, Linda Blanchet et les siens se lancent dans une nouvelle enquête, fondée sur des faits réels. Une analyse théâtrale du meurtre du robot autostoppeur HitchBot, histoire fascinante qui révèle diverses failles humaines  et un portrait sociologique contrasté. 

A l’heure du défi de l’homme augmenté, de la quête de performance et des prouesses algorithmiques, l’aventure du petit et mignon robot HitchBot est bien singulière ! Les chercheurs canadiens David Smith et Frauke Zeller, qui l’ont conçu, ont proposé d’inverser les termes de la question habituelle : « L’homme peut-il faire confiance à la machine ? » en se demandant si un robot peut faire confiance aux humains. La réponse est… négative. Pourtant, l’histoire avait bien commencé. L’été 2014, HitchBot a traversé le Canada en autostop et parcouru environ 10000 kilomètres sans encombre, en suscitant beaucoup de sympathie. Puis, aux Etats-Unis, son périple d’Est en Ouest a duré à peine deux semaines. Le 1er août 2015, HitchBot a été retrouvé démembré derrière un mur dans une rue de Philadelphie. Linda Blanchet et les siens ont décidé d’enquêter sur le “meurtre“ de HitchBot, et le spectacle restitue le processus et les questionnements suscités par leur investigation. On se souvient du précédent opus très réussi de la compagnie, Le Voyage de Miriam Frisch, orchestré avec finesse à partir du parcours symbolique d’une jeune allemande partie 7 semaines dans un kibboutz.

Expérience humaine et sociale

Pour cet autre voyage, qui relève plus d’une expérience humaine et sociale que de la quête initiatique, Linda Blanchet met en forme une narration éclatée qui laisse place à divers points de vue et puise dans un matériau vaste et composite : les témoignages des fabricants du robot, de celles et ceux qui l’ont côtoyé, les milliers de photographies qu’Hitchbot a prises systématiquement toutes les 20 minutes, les échos médiatiques et autres  éléments récoltés pendant l’enquête… Deux comédiennes déjà présentes sur le projet précédent, Calypso Baquey et Angélique Zaïni, un comédien, Mathieu Montanier, et un rappeur et musicien américain, Mike Ladd, forment un quatuor convaincant, en recherche, dans lequel les interventions de Mike Ladd constituent de stimulantes ponctuations (in english). Quant à HitchBot, présent sur scène et réplique exacte de l’original, lui-même déclare : « Je suis un robot acteur. » Hitchbot a plusieurs atouts. Il est capable d’enrichir sa capacité à converser au fil de ses rencontres et pérégrinations, et son apparence est en accord avec sa “personnalité“ joyeuse et confiante, prompte à susciter empathie et altruisme. Soutenu par une sobre scénographie, cet intéressant spectacle se livre comme une analyse introspective et ouverte suggérant diverses réflexions. La mise en scène des interrogations et des découvertes gagnerait à s’appuyer davantage sur le pouvoir théâtral de l’incarnation, à éclairer davantage certaines situations, certains portraits, certains décalages, sans pour autant tomber dans des effets faciles. Si Linda Blanchet confie avoir voulu ici écrire sur l’intelligence artificielle, l’histoire d’HitchBot, qui fait naître une multitude d’interactions entre paroles artificielles et paroles humaines, agit surtout comme révélateur de l’humain. De son besoin d’empathie, de sa solitude, de sa violence. Face à une machine particulièrement fragile et inoffensive, l’homme affirme sa puissance, se montre digne ou indigne de confiance, comme d’habitude capable du meilleur et du pire. Avec ce nouvel opus, la compagnie, soutenue par le Théâtre national de Nice depuis plusieurs spectacles, confirme son engagement, sa ténacité et son exigence, qui brouille les frontières entre fiction et réalité, et interroge la relation de l’homme au monde.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Killing robots
du mercredi 13 novembre 2019 au vendredi 3 avril 2020
En tournée


Le Lieu Unique à Nantes, les 13 et 14 novembre 2019. Centre des Arts d’Enghien-les Bains, Le 16 novembre 2019. Théâtre Nouvelle Génération à Lyon, du 4 au 6 février 2020. Le Periscope à Nîmes le 13 mars 2020. Théâtre de Villefranche-sur-Saône le 17 mars 2020. Théâtre de La Licorne à Cannes le 20 mars 2020. Théâtre Fontblanche à Vitrolles les 2 et 3 avril 2020. Spectacle vu au Théâtre National de Nice lors de sa création. Durée : 1h25.

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