Trente jeunes franco-allemands rassemblés par Jean-Baptiste Sastre et Hiam Abbass autour de « l’Écriture ou la Vie » de Jorge Semprún
« Vous avez une tombe au creux des nuages », [...]
Seule en scène décalé et original, Jubilä mêle la fragilité du personnage clownesque porté par Leila Martial à la jubilation de son inventivité vocale et musicale.
On était allé découvrir ce spectacle parmi la foule conséquente de ceux que propose le festival off d’Avignon, attiré par son apparente excentricité. Une clown qui chante moitié jazz moitié lyrique et qui entame l’archi célèbre mélodie d’El condor pasa en soufflant dans des mignonnettes piochées dans un « mini-Bach », on ne pouvait pas louper ça. « Solo pour vocaliste multi-timbrée » nomme-t-elle elle-même son spectacle. Il faut dire que Leila Martial a grandi – artistiquement s’entend – entre la musique et le clown. Baignant dans le classique quand elle était petite, elle se tourne ensuite, pour sa formation, vers le jazz, puis découvre des chants pygmées, inuits, les musiques tziganes, et multiplie les collaborations à travers le monde tout en poursuivant son exploration des territoires du clown. Personnalité multiple, disparate, c’est toutes ces parts d’elle-même qu’elle tente de réunir dans ce Jubilä au titre qui désigne aussi son personnage de scène.
Entre la poésie et le trivial, un spectacle dépareillé et inattendu
Longue robe vaporeuse et cheveux qui tombent en cascade sous une couronne de fleurs, visage maquillé de blanc, Jubilä installe d’emblée une proximité avec les spectateurs. Du clown, elle a la fragilité, les maladresses, la recherche de spontanéité, la volonté de rester toujours en échange, en écoute, en alerte. Jubilä n’est pas là pour vous en mettre plein la vue mais ses talents, dérisoires et uniques, se déploient l’air de rien. Chants entre lyrique et scat jazzy, petites inventions qui soutiennent sa technique. Sa fameuse flûte de pan construite à partir de petites bouteilles. Un sifflet à coulisse. Sa console pour sampler. Des ballons en suspension. Une loupe qui grossit démesurément son visage. Passant de confessions qu’on suppose intimes à de fausses interviews dans de multiples langues, Leila Martial développe un spectacle très dépareillé et donc toujours inattendu. Entre la poésie et le trivial, elle fluctue sans hésiter, guidée qu’elle est par le déploiement de ses compositions musicales étonnantes et envoûtantes. Ses chants sont souvent planants, rythmés de petites onomatopées aux textures lyriques. De sa voix, elle fait un outil aux possibilités qui semblent infinies. Mais les clowns ne sont pas que drôles, on le sait, et c’est plutôt une étrange mélancolie qui émane finalement de ce spectacle. Car diva éthérée et fille un peu paumée cohabitent au sein de cette Jubilä à laquelle la musique semble permettre de respirer. Car on le sait, « ça se termine toujours au Bach ».
Eric Demey
du mardi au vendredi à 18h30, samedi à 18h. Tel : 01 56 08 33 88. Durée 1h15. Spectacle vu à la Manufacture à Avignon.
« Vous avez une tombe au creux des nuages », [...]
Louise Herrero, artiste à peine trentenaire, [...]