Age & Beauty Trilogy
Performer new yorkais de la scène queer, [...]
John dépasse la chorégraphie pour livrer sur le plateau un théâtre dansant proche du documentaire, porté par neuf acteurs-danseurs exceptionnels, qui nous transportent dans un quotidien âpre et sans concession.
John est une biographie. La vie de John est aussi terrible qu’émouvante. Elle s’abîme dès sa petite enfance dans un monde où violence, drogue et alcool reflètent cette Angleterre de la misère et de la dérive déjà croquée par Stephen Frears ou Ken Loach. John raconte l’histoire d’une descente en enfer, dans un monde aussi déboussolé que ce décor qui tourne, fait de bouts de bois et de casiers. La famille qui s’enfonce dans une déchéance sans fin, la mère qui vole, le père qui viole, les frères qui meurent… Puis les rencontres, l’abandon, le fils perdu de vue qui refuse, finalement, de le revoir, le SIDA qui s’empare de ces êtres paumés, l’univers carcéral, tout est sombre, sale, désespéré. Puis le spectacle vrille pour se retrouver dans un sauna gay, assez calamiteux mais tout de même moins sinistre que ne l’était la première partie. John révèle son homosexualité par bribes, son amour du corps des hommes venant presque par surprise.
Humain trop humain
Le récit, linéaire, donné tel qu’il a été recueilli par Lloyd Newson lors d’une audition, sans travail littéraire, est interprété de bout en bout par Hannes Langolf avec un naturel saisissant. La gestuelle s’accorde totalement à la parole, comme si l’un était indissociable de l’autre. Le ton, malgré la noirceur de cet univers, sait rester léger, au bord de l’autodérision, comme pour mieux rendre compte de l’insignifiance de ces ratés de la société. Tragique mais pas grave. Les corps s’ajustent, se cherchent dans des mouvements coulés, totalement organiques qui s’enchevêtrent et s’accolent les uns aux autres. Chacun des personnages est d’une justesse étonnante, qu’ils jouent les rôles de la famille ou des hommes qui vont et viennent en serviette dans le sauna, avec leurs visages hâves et leurs corps intranquilles. C’est un spectacle d’une force dramatique peu commune, sans bavardage, qui pousse les consciences à bout. Jusqu’à l’épuisement.
Agnès Izrine
Du 9 au 19 décembre, 2015, lun. au sam. 20h, jeu. 19h30, relâche dim. Tél. : 01 40 03 75 75. Durée : 1h25. Spectacle en anglais surtitré en français, déconseillé aux moins de 16 ans. Egalement : Du 2 au 4 décembre, le Grand T, Nantes.