John de Wajdi Mouawad, mis en scène par Stanislas Nordey
de Wajdi Mouawad / mes Stanislas Nordey
Publié le 27 mars 2019 - N° 275Sous la direction de Stanislas Nordey, Damien Gabriac (accompagné par Margot Segreto, ou Julie Moreau) s’élance dans les flots de colère, de souffrance, de tristesse d’un adolescent sur le point de mettre fin à ses jours. Un concentré d’émotions d’une rare vérité.
Il entre sur scène d’un pas agité. Nerveux. S’installe sur une chaise, face à une caméra qu’il vient de mettre en marche pour procéder à un test d’enregistrement. Sa voix est à la fois acérée et chevrotante. « Je me suicide, je me suicide / Teste, teste / Je me suicide… / Ça marches-tu c’t’affaire là …? » Avant d’effacer ces paroles et de s’asseoir de nouveau, de se lancer de façon à la fois déterminée et confuse dans un message adressé à ses parents et à sa sœur. Un long message heurté, désordonné, que cet adolescent décidé à quitter l’existence n’a pourtant aucunement l’intention de faire entendre à sa famille. Car comme John le répète à plusieurs reprises, il supprimera les traces de ce qu’il est en train d’enregistrer, renvoyant la détresse et la rage qu’il exprime à cor et à cri au néant de la mort qu’il s’apprête à rejoindre. Ecrit par Wajdi Mouawad en 1997, John est un précipité de douleur et de noirceur qui, loin de nous plonger dans une quelconque forme d’asthénie, nous place face aux lames de fond d’une existence qui se manifeste devant nous de manière extrême, exorbitante.
Une pièce de jeunesse de Wajdi Mouawad
On se dit que John vit trop intensément. Qu’il se laisse déborder par des émotions qu’il n’a pas encore la force de maîtriser ou de mettre en perspective. Ces bouleversements, Damien Gabriac leur donne corps de façon étonnamment précise. Dès les premiers instants de la représentation, qui produisent un véritable choc, le comédien ébranle notre quiétude de spectatrices et spectateurs. Le désespoir, la souffrance, la solitude de son personnage – palpables dans chaque intonation de voix, chaque expression, chaque geste et chaque regard – nous transportent immédiatement dans la vérité du drame qui se joue dans ce quasi-monologue d’une heure (la sœur de John, interprétée en alternance par Margot Segreto ou Julie Moreau, fait une brève apparition après la mort de son frère). Un drame que Stanislas Nordey a choisi de présenter, sans accent, dans sa version québécoise. Le directeur du Théâtre national de Strasbourg crée ainsi un effet de langue saisissant. Concrète, sans coquetterie, sa mise en scène de John place en son centre la réalité de l’être et du dire. Une façon de célébrer l’art de l’acteur dans sa forme la plus simple et la plus essentielle.
Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
John de Wajdi Mouawad, mis en scène par Stanislas Nordeydu lundi 8 avril 2019 au vendredi 19 avril 2019
Théâtre des Quartiers d'Ivry - Centre Dramatique national du Val-de-Marne - Manufacture des Œillets
1 place Pierre-Gosnat, 94200 Ivry-sur-Seine
Le lundi, mardi et vendredi à 20h ; le jeudi à 19h ; le samedi à 18h ; le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 1h. Spectacle vu le 18 mars 2019 au Théâtre national de Strasbourg. Tél. : 01 43 90 11 11. www.theatre-quartiers-ivry.com
Egalement du 4 au 8 février 2020 à la Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy.