La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La double inconstance de Marivaux, mis en scène par Philippe Calvario

La double inconstance de Marivaux, mis en scène par Philippe Calvario - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre 14
Pascal Victor, Sophie Tellier (Flaminia) et Guillaume Sentou (Arlequin)

de Marivaux/ mes Philippe Calvario

Publié le 27 mars 2019 - N° 275

Avec Marivaux, Philippe Calvario, metteur en scène et directeur de la compagnie Saudade, ne badine pas. Preuve en est cette « Double inconstance » sobrement traitée, comme un conte initiatique dont les ombres sont mises en lumière.

La question du désir taraude toujours Philippe Calvario. Renouant avec le répertoire classique après s’être emparé d’écritures contemporaines, le metteur en scène revient à Marivaux qui lui valut l’un de ses plus beaux succès avec « Le jeu de l’amour et du hasard ». Si on peut prédire à cette « Double inconstance » une aussi belle carrière, c’est que sa mise en scène repose sur de semblables fondements, dont l’exclusion de tous marivaudages et l’accentuation sensible du mirage théâtral. Le propos de l’auteur est rendu à sa puissance dramatique instruite par un questionnement métaphysique ainsi ressaisi par le metteur en scène : « ne désirons-nous que ce que l’on ne peut posséder ? Et ce désir-là peut-il devenir amour ? ». Induite par ces paradoxes se met en place la série de stratagèmes de destruction annoncés par Flaminia, que Philippe Calvario voit, non sans raison, comme une préfiguration de la sulfureuse Madame de Merteuil des « Liaisons dangereuses ». Ainsi, Marivaux fait dès le commencement dire à son héroïne : « Ne songeons qu’à détruire l’amour de Sylvia pour Arlequin ».

D’équivoques délices

L’intrigue, qui voit se défaire en trois actes le pacte d’amour des deux jeunes amants pris dans les filets de la manipulatrice à laquelle l’imposture profitera, in fine, au premier chef, est resserrée par le metteur en scène sur une seule journée. Poussant la contrainte dans un respect des règles de l’art qui tire, sans la forcer, la comédie vers la tragédie, Philippe Calvario donne à l’action une unité qui lui permet de se développer sans temps mort dans un unique décor idyllique dont l’esthétique ressort d’un pastoralisme stylisé. On voit comment la mise en scène de cette « délicieuse comédie », en sauvegardant les apparences, touche au vif la cruauté mâtinée de poésie du propos, cultive l’ambiguïté portée à son paroxysme par un dénouement que l’on ne saurait simplement qualifier d’heureux. Sophie Tellier (Flaminia) sur les épaules de laquelle repose essentiellement l’équivoque de la pièce est absolument parfaite dans le rôle difficile qui est le sien et auquel elle parvient à nous attacher. Alexiane Torres (Lisette) fait merveille en coquette archétypique. Luc-Emmanuel Betton (Le Prince), dont on aura aussi un aperçu des talents de haute-contre, Maud Forget (Sylvia), Guillaume Sentou (Arlequin), Philippe Calvario – en alternance avec Roger Contebardo – (Trivelin), incarnent avec inspiration les rôles qui leur sont confiés en permettant d’en entendre toutes les violences subies ou infligées et les subtilités psychologiques.

 Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens

A propos de l'événement

La double inconstance de Marivaux, mis en scène par Philippe Calvario
du mardi 5 mars 2019 au samedi 20 avril 2019
Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier, 75014 Paris

Les mardis, vendredis et samedis à 20h30, les mercredis et jeudis à 19h, les samedis à 16h. Durée : 1h45. Tél : 01 45 45 49 77.

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