La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Jeux doubles

Jeux doubles - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Christian Ganet Légende photo : Quatre comédiennes talentueuses pour un gynécée pesant et vain.

Publié le 10 janvier 2009

Une distribution talentueuse pour un texte creux et une mise en scène convenue : Claudia Stavisky ne parvient pas à offrir à ses comédiennes une partition à la hauteur de leur abattage.

Jeux doubles est l’occasion, pour Cristina Comencini, d’aborder les questions de la condition féminine et de la maternité sous le mode de la comédie de mœurs. Le diptyque imaginé par la dramaturge fait le portrait en miroir de quatre femmes et de leurs quatre filles. Entre le début des années 60 et aujourd’hui, les contradictions sont globalement les mêmes mais les façons de les supporter ou de les résoudre sont radicalement différentes. Eternel débat de la maternité et de la réussite sociale, de l’inféodation au modèle patriarcal et de l’autonomie : les quatre mères n’ont qu’un sexe, les quatre filles n’ont qu’une tête. Premier acte, donc, sur les modalités de l’usage de la matrice (mère comblée ou sacrificielle, épouse délaissée ou volage) ; second acte sur l’échec patent de la réalisation de soi (artiste frustrée, célibataire en mal d’enfant, maîtresse reléguée à l’humiliation du second rôle). Cristina Comencini se garde de la sociologie et de la politique et c’est justement là que le bât blesse, à force de confondre le sexe et le genre, à force de caricature manichéenne, à force de supposer et de montrer qu’il n’y a pas d’alternative laissée aux femmes entre la reproduction de l’espèce, frustrante, et la réussite, stérilisante. Il est à croire, comme le remarquait Nietzsche, qu’il faut préférer « voler seul » quand on est un esprit libre plutôt que de vivre avec les femmes si ces dernières ne peuvent choisir entre l’ennui d’après-midis passées à jouer aux cartes en se plaignant des hommes et en attendant que l’enfant paraisse et la suractivité hystérique d’amazones indépendantes…
 
Une mise en scène qui ne parvient pas à transcender la faiblesse du texte
 
Claudia Stavisky a choisi quatre comédiennes rompues à la scène pour incarner ces figures en reflets. Ana Benito, Marie-Armelle Deguy, Corinne Jaber et Luce Mouchel sont belles, pétillantes, enjouées, émouvantes et font assaut de tout l’arsenal de leur talent pour tenter d’offrir un peu d’épaisseur aux rôles inventés par Cristina Comencini, mais leurs personnages sont tellement stéréotypés et leurs répliques tellement plates qu’elles ne parviennent pas à insuffler à l’ensemble la profondeur, la fantaisie et l’intérêt qu’aurait pu laisser espérer leur rencontre sur un plateau. La mise en scène de Claudia Stavisky est convenue et statique et le décor dans lequel évolue les personnages du second acte (la cuisine du premier acte délabrée sans qu’on comprenne pourquoi le temps a pu ainsi faire son œuvre chez une femme d’intérieur dévote – à moins que la métaphore scénographique suggère ici l’échec des filles recouvrant la misère existentielle faussement pimpante des mères…) n’offre aucune dimension véritablement signifiante à l’ensemble. Ce spectacle ne présente vraiment d’intérêt que pour des féministes qui aurait renoncé au combat : comme piqûre de rappel…
 
Catherine Robert


Jeux doubles, de Cristina Comencini ; mise en scène de Claudia Stavisky. Du 17 janvier au 1er février 2009. Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; jeudi à 19h30 et dimanche à 16h. Théâtre de la Commune, 2, rue Edouard-Poisson, 93300 Aubervilliers. Réservations au 01 48 33 16 16. Spectacle vu au Théâtre des Célestins, à Lyon.

A propos de l'événement


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