Jean Lambert-wild présente sa Chanson de Roland, avec Marc Goldberg et Catherine Lefeuvre
Théâtre de la Tempête / Adaptation et écriture de Jean Lambert-wild, Marc Goldberg et Catherine Lefeuvre / Direction de Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra
Publié le 25 mai 2022 - N° 300L’ânesse Chipie de Brocéliande et les poules Paulette et Suzon accompagnent Jean et Aimée Lambert-wild et Vincent Desprez, pour une geste ébouriffante et truculente où le clown se fait conteur épique.
La grippe aviaire contraint Paulette et Suzon à demeurer dans leur loge, et un doudou gracieux remplace la volaille confinée. Mais Chipie de Brocéliande occupe à ce point la lumière qu’on se console de leur défection. Dressée et guidée par Aimée Lambert-wild, l’ânesse ne se contente pas de traquer quartiers de pommes et carottes : elle mime la mort d’Olivier, gisant dans l’écarlate de son sang courageux répandu à cause d’une attaque sournoise, elle batifole autour de la scène, et elle semble considérer d’un œil philosophe ces humains qui font la guerre pour goûter au curieux plaisir de tuer leurs semblables alors qu’un picotin paisible est si doux. Lorsque Jean Lambert-wild évoque d’un mot, à la fin du spectacle, la catastrophe ukrainienne, on regrette, comme Swift, que les équidés ne gouvernent pas les hommes. Les aèdes de cette adaptation de La Chanson de Roland sont un âne et un clown : avis aux amateurs de paraboles…
Quelle connerie la guerre !
Avec Marc Goldberg et Catherine Lefeuvre, Jean Lambert-wild propose une traduction nouvelle de la geste médiévale, en conservant le souffle épique du texte initial, en respectant le rythme des décasyllabes et en concentrant le spectacle autour de la bataille de Roncevaux. Gramblanc, le clown blanc de Jean Lambert-wild, incarne Turold, le seul rescapé du carnage qui vit mourir Roland. L’écuyer, dans la retraite d’une ménagerie de cirque, raconte les étapes de la tuerie épouvantable, entre rêverie et souvenirs. Autour de son fauteuil d’ancien combattant, Vincent Desprez, Aimée et Chipie organisent un tourbillon de sollicitations qui permettent au récit de se déployer, entre tristesse de la perte et nostalgie de la fraternité militaire. Gramblanc oscille entre colère et mélancolie, fiers sursauts de l’ivresse des combats et amertume d’avoir tout sacrifié au profit d’un monarque dont seule demeure la barbe fleurie, exhibée par le clown comme un trophée poignant. Le texte, dense et foisonnant, semble comme le livret d’un opéra furioso. On est saisi par sa fièvre, jusqu’à l’ultime conduite en terre de la jeunesse tombée pour la gloire de quelques arpents arrachés à l’ennemi et la victoire d’un empereur avide, qui ignore ce que seuls savent les ânes et les artistes : il suffit d’une roulotte et d’un plateau pour être heureux. Jean Lambert-wild et les siens illustrent cette évidence avec une émouvante intensité.
Catherine Robert
A propos de l'événement
La Chanson de Rolanddu jeudi 2 juin 2022 au dimanche 19 juin 2022
Théâtre de la Tempête – Cartoucherie
Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h. Spectacle vu à La Lucarne d’Arradon – scènes du Golfe, Vannes.