Jean-Charles Mouveaux présente « Juste la fin du monde » de Jean-Luc Lagarce. Un splendide quintette de comédiens dans une mise en scène subtile
Jean-Charles Mouveaux revient à cette […]
Dans le sillage de Moi aussi je suis Catherine Deneuve et à la demande de la comédienne Pauline Chagne qui l’interprète admirablement, Pierre Notte a réécrit la quête existentielle de Geneviève qui devient ici Barbara. Une pièce féroce et émouvante, orchestrée avec maestria par Jean-Charles Mouveaux.
Barbara ou rien. Barbara comme signe et échappatoire absolus des blessures de l’enfance, de l’enfer familial qui fait mourir à petit feu, d’une terne médiocrité sans rêve. Dans le sillage de la « farce gratinée » Moi aussi je suis Catherine Deneuve (2005), au succès considérable, ce nouvel opus est une pleine réussite qui enchante, et qui lui aussi, à sa manière, se fait échappatoire d’un quotidien besogneux vers le merveilleux de la scène. Un merveilleux qui comme souvent chez Pierre Notte se montre féroce, acide… et hilarant. C’est ce qui fait sa patte : les désastres dérivent vers une folie déjantée, les failles s’exacerbent et vrillent dangereusement. Pourquoi ici ce passage de la blonde et suprême icône à la longue dame brune, chanteuse de minuit tant aimée ? C’est à la demande de la comédienne Pauline Chagne qu’il s’est lancé dans l’aventure, qui reprend les mêmes motifs que la pièce précédente mais différemment. Ce qui d’emblée saisit, c’est la ressemblance frappante de la comédienne avec Barbara, qui inclut même la voix, mais aussi tout au long de la pièce son interprétation délicieuse, flamboyante, tout en nuances, tout en ressassements et affrontements qui disent autant le désir de liberté que la fragilité. La famille est scotchée par cette ambition obsessionnelle et quasi mystique qui s’est emparée de Geneviève tout entière : « je suis Barbara ».
Portrait de famille avec couteau de cuisine, révolver et poulet aux pruneaux
À ses côtés, sa sœur, au départ cachée sous la table, chante aussi parfois, et bien. Surtout elle se scarifie avec un couteau de cuisine, ouvrant son corps pour que ça sorte. Marie Nègre l’interprète avec une précision et une intensité qui touchent et émeuvent. La mère, dépassée, énervée, égoïste mais présente pour sa progéniture, cuisine encore et toujours, du poulet aux pruneaux aux iles flottantes sans caramel : il faut voir avec quelle folle énergie et quelle rage éruptive Flore Lefebvre des Noëttes l’incarne, c’est magistral (Chantal Trichet l’interprète en alternance). Jimmy Brégy interprète avec justesse le frère taiseux, adepte du révolver plutôt que du couteau, qui, incontestable progrès, finira par dire quelques mots, pour corriger des fautes de grammaire. Quant au père absent, il les a tous abandonnés. L’accompagnement au piano est assuré par Clément Walker-Viry. Excellent directeur d’acteurs, metteur en scène au talent sûr, Jean-Charles Mouveaux orchestre admirablement ce portrait de famille incisif où la chanson libère les souvenirs et hantises, par petites touches qui visent juste plutôt qu’à gros traits. Sa très belle mise en scène de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, autre crise familiale, est visible au Théâtre de l’Épée de Bois du 9 au 26 février.
Agnès Santi
Jean-Charles Mouveaux présente « Juste la fin du monde » de Jean-Luc Lagarce. Un splendide quintette de comédiens dans une mise en scène subtile
Jean-Charles Mouveaux revient à cette […]
du jeudi au samedi à 21h, dimanche à 15h. Tél : 01 42 93 13 04. Durée : 1h20.