Il faut beaucoup aimer les hommes
Le collectif Das Plateau porte à la scène le [...]
Jean Boillot continue à explorer l’œuvre de Labiche. Après Les Animal(s), où la bête se cache sous le masque de la civilisation, il crée La Bonne Education, où le libéralisme pourrit les rapports filiaux.
« L’œuvre de Labiche est assez exemplaire du travail de croisement que je mène avec mon équipe artistique. On connaît mal son répertoire (notamment ses pièces en un acte) et on redécouvre qu’il fut un des premiers dramaturges à mettre en théâtre l’aspect pulsionnel et l’inconscient de l’homme. Jonathan Pontier a repris différentes formes de musique populaire qui sont la base du vaudeville, pour inventer des registres de chant. Karine Ponties nous a aidé à développer une physicalité des acteurs proche de l’animalité : la continuité entre le jeu et le chant permet l’expression d’un acteur total, à l’intensité débordante. Les Animal(s) a eu beaucoup de succès : nous le reprenons et le reprendrons encore la saison suivante. Ce spectacle qui fait dialoguer le théâtre, la musique et le corps, provoque des réactions électriques, surtout quand tombent les vêtements et que libre cours est laissé à la frénésie des désirs. Tout cela est très jouissif, très désopilant, et pose question à certaines sensibilités. Je trouve ça très bien ! Le théâtre doit faire sauter des capsules : Les Animal(s) le fait en rencontrant un large public.
De monstres en parasites
Les deux pièces composant La Bonne Education illustrent le rapport entre adultes et enfants, d’où le titre choisi, un peu ironique ! Les deux pièces ont été écrites pour Céline Montaland, jeune prodige de huit ans, coqueluche des dramaturges de l’époque. Elles mettent en scène une petite fille dont les parents ont confié l’éducation à des tiers. Dans La Fille bien gardée, une veuve inconsolable fait confiance à ses deux domestiques pour élever son enfant. Mais la petite les tyrannise. Dans Maman Sabouleux, deux parents qui ont confié leur enfant à une nourrice, découvrent une fille de ferme quand le remord les pousse à venir la visiter, au bout de huit ans. La nourrice s’est carapatée, la petite est élevée par un curieux père nourricier, avec lequel l’enfant forme un couple bizarre, où l’intimité et la tendresse sont connotées d’appétits voraces. Rien n’est dit mais tout est indiqué. Ce diptyque est sans doute plus politique que le premier puisque tout ce qui touche l’éducation touche directement la société. Les enfants, pour ces bourgeois qui ne cherchent qu’à s’enrichir, sont comme des parasites. Pour cette classe où tout s’achète et se vend, y compris l’affectif et l’intime, y compris le devoir, les enfants comptent pour rien… Je poursuis le travail avec la même équipe, rejointe par la chanteuse Géraldine Keller, qui développe ce que Karine Ponties a développé sur la physicalité, en trouvant des vocalités entre le parler et le chanter. »
Propos recueillis par Catherine Robert
La Bonne Education, du 12 au 19 octobre 2016. Le 12, le 13, le 15 et le 18 à 19h ; le 14 à 20h ; le 16 à 17h30 et le 19 à 22h. Les Animal(s), le 16 à 14h30 et le 19 à 19h. Tournée jusqu’en mai 2017. Tél. : 03 82 82 14 92.
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