« J’aurais mieux fait d’utiliser une hache » par le collectif Mind the Gap interroge la fabrique du film d’horreur
Le Monfort / Texte et mise en scène du collectif Mind the Gap
Publié le 20 février 2023 - N° 308Avec J’aurais mieux fait d’utiliser une hache, le collectif Mind the Gap poursuit ses recherches autour de la notion de frontières. Pour interroger par les moyens du théâtre la fascination qu’exercent les films d’horreur sur ses spectateurs, le groupe met en avant avec humour et subtilité la fabrique du gore.
C’est dans le cadre du festival Impatience 2022 que nous découvrons J’aurais mieux fait d’utiliser une hache, la nouvelle création du collectif Mind the Gap. Comme l’indique sa présence au programme de l’événement dédié à la jeune création, ce collectif n’est pas bien vieux. Né en 2014 à l’initiative des comédiens issus du Conservatoire d’Art Dramatique d’Orléans Thomas Cabel, Julia de Reyke, Anthony Lozano et Coline Pilet, rejoints bientôt par Solenn Louër, il affirme pourtant d’emblée avec son dernier spectacle une grande maîtrise scénographique, qui campe une atmosphère aussi horrifique que composite. Éclairé par des traits lumineux rouges, un grand bazar hétérogène et embrumé nous accueille. Presque surréaliste, la cohabitation d’outils divers – parmi lesquels un bon nombre d’exemplaires de l’ustensile éponyme, forcément – avec des barils de faux sang, une cuisine tout équipée ou encore tout un attirail de micros et systèmes son promet un vaste bricolage. Dans J’aurais mieux fait d’utiliser une hache, les cinq comédiens excellent en effet à se frotter à la manipulation d’objets et de sons pour revisiter le film d’horreur et questionner la fascination qu’il suscite. Faisant aussi largement appel au théâtre, ils donnent à approcher les mécanismes de la violence cinématographique.
L’envers de la violence
Sans priver le spectateur du plaisir de l’horrifique, les comédiens nous le donnent à regarder bien autrement qu’on le fait lorsqu’on veut frissonner devant un bon – ou un mauvais – film conçu à cet effet. Déjà, la composition du spectacle en deux parties très différentes en matière de durée autant que d’esthétique crée une distance, un jeu qui ouvre une brèche au regard critique. En montrant les coutures de son spectacle, et donc en laissant deviner son mode de création, le collectif déplace la fascination pour le gore vers son laboratoire. Lequel se révèle un formidable terrain de jeu théâtral. Court, le premier tableau raconte une histoire de slasher moovie – un type de film mettant en scène un tueur masqué qui massacre une bande de jeunes – avec des moyens proches de la fiction radiophonique. Rien de ce que l’on voit ne correspond à ce qui est dit. On retrouve là un des axes de recherche de Mind the Gap, qui avec des créations toujours très différentes – la première était une pièce « musicalo-végétale » sur les possibilités de la création collective, la deuxième une mise en scène du Mariage de Gombrowicz – creuse la notion de frontière. Dans la seconde partie de J’aurais mieux fait, une scène de meurtre en cuisine clairement inspirée du tube de l’horreur Scream est déclinée jusqu’à épuisement du faux sang dont regorge le plateau. En plus de faire apparaître les coulisses du crime, ces variations très drôles finissent par ébranler le schéma traditionnel de la femme assassinée. Le théâtre fait bouger les lignes de l’épouvante.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
J’aurais mieux fait d’utiliser une hachedu mardi 7 mars 2023 au samedi 18 mars 2023
Le Monfort Théâtre
106 rue Brancion, 75015 Paris
du mardi au samedi à 20h30. Tel : 01 56 08 33 88. www.lemonfort.fr