
Bastien sans main, une belle histoire de rencontre et d’acceptation
Dans l’écrin du Totem, scène conventionnée […]
Olivier Letellier consacre sa dernière création au travail – à l’esclavage – des enfants. À travers une histoire imaginée par Yann Verburgh, la pièce déploie une ingénieuse épopée poétique incarnée par cinq comédiens fantastiques.
On a tous un vêtement Zara ou H&M, fabriqué de l’autre côté de la planète. En revanche, on n’a peut-être pas tous l’idée de lire leurs étiquettes. Il paraitrait que sur certaines, on peut lire « Need your help ». Un appel à l’aide que Yann Verburgh imagine et réinvente, et qu’Olivier Letellier, artiste complice de La Filature à Mulhouse où a été créée la pièce, met en scène. Pour s’adresser aux plus jeunes, Yann Verburgh remplace les vêtements par les jouets. Ici, les enfants du Pays-de-la-Fabrique-des-Objets-du-Monde s’adressent à leurs compères occidentaux par une lettre dissimulée dans une boite d’un jeu à la mode. En employant la deuxième personne, les quatre comédiens et le diaboliste font du public le ou la destinataire de cette lettre, et l’enjoignent à se révolter avec eux. La mise en scène géométrique déploie ses lignes et ses angles, instaurant la rigueur stricte de l’usine et du monde des adultes que seuls les diabolos jaunes et la clairvoyance des enfants viennent troubler. La double narration, très facilement repérable grâce à un dispositif lumineux et sonore, porte deux récits en parallèle : celle de Li-Na et Tao, et celle du public, de nous tous, qui allons tenter de décrypter la lettre de Li-Na.
Une mise en scène d’une beauté percutante
Li-Na et Tao vivent seuls avec les aînés, dans leur village du Rocher. Leurs parents sont à l’usine de la ville. Lorsque Tao y est emmené, Li-Na n’espère qu’une chose : retrouver son camarade de jeu. Mais pour entrer dans l’usine, elle doit s’y faire embaucher. Elle découvre alors ce que le monde des adultes cherche à cacher, et décide d’appeler à l’aide en cachant des messages dans les jeux qu’elle fabrique. Dans une adresse directe, les comédiens sont le miroir d’une réflexion qu’Olivier Letellier souhaite voir murir dans le public, face à un père, une maitresse, un maire ou une journaliste contrainte par sa hiérarchie, qui ne se saisissent pas du problème. À l’autre bout du monde, la « maladie de l’oubli » gagne les rangs de l’usine, dans lesquels s’alignent des enfants-numéros qui n’aspirent plus qu’à une chose : « Ne pas parler, ne pas s’arrêter, ne pas se tromper ». La cadence brutale, presque insoutenable, est menée par les comédiens devenus robots, emportés par la terrifiante et percutante création sonore d’Antoine Prost. En embarquant peu à peu son jeune public dans une fiction, Olivier Letellier offre le plateau à la désobéissance poétique, non violente, non moralisatrice. Il dissémine quelques affres du réel et fait confiance à son public pour tirer le fil de la réflexion dès la sortie de la salle. Les couleurs, les matières et les images défilent et restent en tête. Le message également.
Louise Chevillard
Bastien sans main, une belle histoire de rencontre et d’acceptation
Dans l’écrin du Totem, scène conventionnée […]
Les 14 et 18 mars. À 15h ou 19h. Tel : 01 42 74 22 77. Durée 1h.
Spectacle vu à La Filature à Mulhouse dans le cadre du Festival Momix.
En tournée les 24 & 25 mars au Théâtre de la Manufacture à Nancy, le 29 mars à l’Espace des Arts à Chalon-sur-Saône, les 5, 6 et 7 avril au Grand T à Nantes, le 12 avril à la Maison des Arts de Créteil, le 20 avril au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, le 4 mai au Quai à Angers, le 11 mai au Canal à Redon, le 16 mai à la Scène Nationale du Sud-Aquitain à Bayonne, le 25 mai au Théâtre d’Angoulême et le 3 juin au Théâtre de Lorient.
Thomas Jolly dirige avec énergie et talent [...]