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Théâtre - Entretien

Jacques Vincey monte « Wonnangatta », un texte d’Angus Cerini à la singularité peu commune

Jacques Vincey monte « Wonnangatta », un texte d’Angus Cerini à la singularité peu commune - Critique sortie Théâtre 75020 Paris Les Plateaux Sauvages
© Julien Pebrel Agence MYOP Jacques Vincey

Les Plateaux Sauvages / Texte d’Angus Cerini / Mise en scène de Jacques Vincey

Publié le 18 avril 2025 - N° 332

Entre le western, le polar et la poésie épique, mâtinée aussi d’absurde, la pièce Wonnagatta de l’Australien Angus Cerini est d’une singularité peu commune. Jacques Vincey qui la met en scène y voit un formidable terrain de jeu et d’invention.

Nous découvrons en France l’écriture d’Angus Cerini avec L’Arbre à sang mis en scène par Tommy Milliot en 2023. Retrouve-t-on dans Wonnangatta la langue très particulière, rurale autant que poétique, de la pièce précédente ?

Jacques Vincey : Wonnangatta présente en effet la même écriture très musicale, très rythmique qui m’avait tant plus dans L’Arbre à sang. Toutes les deux magnifiquement traduites en français par Dominique Hollier, ces pièces déploient une langue qui inclut le corps avec une profondeur et une subtilité peu courantes. Les deux textes sont aussi traversés par des thèmes similaires. Par exemple, ils questionnent tous les deux la masculinité. Dans le premier, trois femmes tuent l’homme de la maison, tandis que dans le deuxième nous avons deux hommes qui, confrontés à un meurtre, décident de partir en quête de vérité.

Cette vérité est ancrée dans une réalité fort éloignée de la nôtre, celle du bush australien. Quel effet cela produit-il selon vous sur un spectateur français ?

J.V. : Si pour un Australien la pièce fait référence à un contexte d’autant plus précis qu’elle s’inspire du crime non élucidé le plus célèbre du pays, elle a pour un Français une dimension plus universelle. Cela va à vrai dire de soi, la pièce étant aussi métaphysique que concrète, notamment dans son traitement de la Nature à laquelle se confrontent les deux protagonistes dans leur recherche.

 

« Les acteurs doivent pouvoir incarner l’idée d’une invention au fil de la parole. »

 

Vous confiez l’interprétation des deux protagonistes, Harry et Riggall, à Serge Hazanavicius et Vincent Winterhalter. Quelles qualités d’acteur sont selon vous nécessaires pour aborder cette langue singulière ?

J.V. : Les mots d’Angus Cerini étant à l’origine d’absolument tout ce qui se produit dans la pièce, les acteurs doivent pouvoir incarner l’idée d’une invention au fil de la parole. Notre travail à tous sur cette pièce consiste à la faire entendre sans parti-pris formel qui viendrait résoudre les questions multiples, le grand trouble dans lequel nous plongent Harry et Riggal. Je voulais aussi que les personnes qui jouent leurs rôles aient une vraie complicité d’acteurs, afin de faire exister le plus intensément possible ce formidable duo de théâtre. Il y a en lui un absurde qui peut faire penser à celui de Vladimir et Estragon dans En attendant Godot.

Ce duo étrange, dont vous dites à juste titre qu’en plus d’évoquer Beckett il porte une violence qui peut faire penser à celle de Faulkner ou de Cormac McCarthy, est confronté à une Nature particulièrement rude et capricieuse. Comment la convoquez-vous au plateau ?

J.V. : Il a très vite été clair pour moi au contact du texte que la scénographie du spectacle devait être à la fois un terrain de jeu pour les acteurs et une surface de projection pour les spectateurs. Il ne s’agit donc pas de représenter la Nature, mais de créer un espace à la fois organique et minimaliste qui la suggère. Je travaille pour cela avec Caty Olive, qui réalise aussi les lumières du spectacle, très importantes dans l’évolution de la pièce depuis une atmosphère quotidienne vers une étrangeté totale.

Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Wonnangatta
du lundi 12 mai 2025 au samedi 24 mai 2025
Les Plateaux Sauvages
5 rue des Plâtrières, 75020 Paris.

du lundi au vendredi à 19h, samedi à 16h30 et 20h. Tel : 01 83 75 55 70. Durée : 1h30.

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