Jacques Osinski crée « L’Amante anglaise » de Marguerite Duras
Théâtre de l’Atelier / texte Marguerite Duras /Théâtre 14/ texte Samuel Beckett /mises en scène Jacques Osinski
Publié le 25 septembre 2024 - N° 325
Après la reprise de Cap au pire (au Théâtre 14, avec Denis Lavant), le metteur en scène Jacques Osinski créera L’Amante anglaise, de Marguerite Duras, au Théâtre de l’Atelier. Une pièce inspirée d’un fait divers criminel aujourd’hui interprétée par Sandrine Bonnaire, Frédéric Leidgens et Grégoire Oestermann.
Quel regard posez-vous sur les sentiments souvent passionnés que suscite l’écriture de Marguerite Duras ?
Jacques Osinski : Un regard assez lointain, puisqu’avant de mettre en scène L’Amante Anglaise, je n’étais pas du tout un spécialiste de l’œuvre de Duras. Je connaissais l’écrivaine comme tout le monde : j’avais lu L’Amant, je l’avais vue à la télévision interviewée par Bernard Pivot, j’avais eu vent de la polémique née à la suite de la publication de son article dans Libération sur l’affaire du petit Grégory… Et puis, un jour, un peu par hasard, je suis retombé sur L’Amante anglaise. Ce texte m’a littéralement saisi et passionné.
Qu’est-ce qui a suscité ce vif intérêt ?
J.O.: D’abord, le rapport au fait divers. Dans L’Amante anglaise, Marguerite Duras revisite un meurtre qui a eu lieu à la fin des années 1940. Par le biais d’un double interrogatoire, d’un double dialogue, elle creuse l’idée du mystère, de l’incompréhension, par rapport à l’acte criminel. Elle nous place face à une énigme que l’on essaie de comprendre. Elle use d’une forme de suspens, tout en déployant les grandes thématiques de son écriture, comme la folie et l’amour, qui sont les deux pôles de L’Amante anglaise. Et puis, j’ai été frappé par son style qui fait preuve à la fois d’une grande simplicité et d’une grande sophistication. Je trouve ce mélange, ce contraste, extrêmement beau.
Comment appréhendez-vous cette pièce qui, comme tous les textes de Duras, se situe en dehors de la psychologie ?
J.O.: Comme souvent les grandes œuvres, L’Amante anglaise s’ancre dans l’écriture. C’est ainsi l’écriture qui a été le socle de mon travail avec les interprètes. Nous nous sommes focalisés sur le texte, en ayant pour objectif de le faire entendre au mieux, de donner corps de façon très précise à ses points de vue. Ces derniers sont très concrets, très proches du réel et de l’humain. Ils sont aux antipodes d’un formalisme abstrait ou métaphysique.
« À travers le rôle de Claire Lannes, Marguerite Duras nous permet d’entrer dans une zone d’inconfort qui éclaire la folie. »
Quelle place donnez-vous, dans votre mise en scène, à l’idée de personnage ?
J.O.: Je parlerais plus volontiers de personnes que de personnages. Nous avons essayé de comprendre leur façon de penser, d’exister, sans tomber, comme vous le disiez, dans la psychologie. C’est un peu comme si les spectatrices et spectateurs entraient dans la conscience de ces êtres. L’interrogateur (ndlr, Frédéric Leidgens), en posant des séries de questions, révèle la profondeur humaine des deux autres personnages : Claire Lannes (Sandrine Bonnaire) et son mari, Pierre (Grégoire Oestermann). L’Amante anglaise est une pièce sur la folie. À travers le rôle de Claire Lannes, Marguerite Duras nous permet d’entrer dans une zone d’inconfort qui éclaire cette folie.
Avant cette création, vous reprenez une nouvelle fois votre mise en scène de Cap au pire de Samuel Beckett, avec Denis Lavant…
J.O.: Oui, Denis Lavant et moi avions envie de revenir à l’essence du travail qui, après ce spectacle (ndlr, créé en 2017, repris une première fois en 2019), a donné lieu à un cycle composé de La dernière bande, de L’Image et de Fin de partie. Ce cycle sur Beckett se poursuivra l’été prochain au Théâtre des Halles, à Avignon, avec En attendant Godot. Cap au pire est une proposition proche de la performance. Denis Lavant est immobile durant toute la représentation. Sa pensée, elle, est en mouvement constant. Il nous a semblé intéressant, à lui comme à moi, de faire revivre ce spectacle en le faisant bénéficier du chemin que nous avons parcouru ensemble, depuis 2017, dans l’œuvre de Beckett.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
L’Amante anglaisedu samedi 19 octobre 2024 au mardi 31 décembre 2024
THEATRE DE L'ATELIER
1 place Charles-Dullin, 75018 Paris
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Relâche les lundis. Tél. : 01 46 06 49 24. Durée : 1h45. www.theatre-atelier.com
Théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris. Du 24 septembre au 19 octobre 2024 (Cap au pire). Le mardi, le mercredi et le vendredi à̀ 20h, le jeudi à 19h, le samedi à 16h. Durée de la représentation : 1h30. Tél. : 01 45 45 49 77. www.theatre14.fr