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Théâtre - Entretien

Isabelle Lafon revient à La Colline avec « Cavalières » : une création éminemment personnelle

Isabelle Lafon revient à La Colline avec « Cavalières » : une création éminemment personnelle - Critique sortie Théâtre Paris La Colline - Théâtre national
© Jacques Grison Isabelle Lafon

La Colline – Théâtre national

Publié le 28 février 2024 - N° 319

Familière de La Colline, Isabelle Lafon y revient avec Cavalières. Car cavalière, il faut l’être pour aborder pour la première fois le grand plateau de ce théâtre. Avec trois autres comédiennes, elle se met en selle pour une étonnante tentative.

Dans Cavalières, vous êtes au plateau avec votre fidèle complice Johanna Korthal Altes, Karyll Elgrichi avec qui vous avez plusieurs fois travaillé et une jeune comédienne, Sarah Brannens. Quelle sorte de communauté formez-vous ?

Isabelle Lafon : Nous sommes dans cette pièce un groupe formé d’individualités très différentes. À son origine, il y a l’intuition de Denise, que j’incarne. Denise est une femme de plus de 55 ou 60 ans. Elle n’a pas eu d’enfant et ne les aime pas trop, mais quand l’une de ses amies meurt, c’est à elle qu’elle confie sa fille, Madeleine. Madeleine est particulière, elle est dite officiellement handicapée – si je pouvais me passer de ce mot je le ferais. Denise passe alors une annonce : elle cherche des femmes prêtes à vivre avec elle et Madeleine, dont elles partageront la parentalité…

Cette Madeleine n’était-elle pas la petite fille que vous disiez avoir rencontrée dans votre pièce précédente, Je pars sans moi, où vous abordiez avec Johanna Korthal Altes le vaste territoire du désarroi mental ?

I.L. : C’est elle en effet. Il me semblait que cette petite fille inclassable, ni autiste ni psychotique mais un peu lente, ne parlant pas comme les autres, avait encore des choses à nous dire. Elle est hors-champ une nouvelle fois, mais se retrouve au cœur de la tentative de ces femmes. Fernand Deligny, pionnier de l’éducation spécialisée qui est merveilleux et m’a beaucoup inspirée pour l’écriture de ce spectacle, désigne comme « tentatives » ses expériences avec des enfants dits incurables. Cette pièce est aussi une tentative, car je crois qu’avec tout ce qui se passe en ce moment il faut vraiment tenter des choses…

« Le fait de parler « cheval » rend pour moi cette pièce très personnelle. »

Est-ce cette tentative audacieuse et singulière qui explique votre titre ?

I.L : Oui, en partie. Et aussi que chacune à sa façon, ces femmes sont cavalières, et cela au sens propre comme au figuré. Denise travaille comme entraîneuse de chevaux de course, plus précisément de trotteurs. C’est un métier très rude, elle travaille beaucoup. Lorsqu’elle passe son annonce, il est évident pour elle que les personnes qu’elle choisira devront avoir un rapport au cheval. Ses autres conditions : être une femme, ne pas apporter de meubles et s’occuper de Madeleine. Le fait de parler « cheval » rend pour moi cette pièce très personnelle, car c’est un milieu dont je suis très proche. Parler au théâtre du milieu très populaire et souvent mal vu du champ de courses, des trotteurs, m’effraie et me ravit à la fois.

Le théâtre est-il pour vous une sorte de champ de courses ?

I.L : Je pense beaucoup « cheval » lorsque je crée une pièce, quand je travaille avec des acteurs. À l’hippodrome, on appelle l’entraîneur un « metteur au point », et plus que dans celle de « metteure en scène » je me retrouve dans cette expression. Dans ma façon de travailler, les comédiennes proposent beaucoup. Une partie leur appartient, même si j’impose des choses, comme par exemple ici le fait que les personnages se parlent par lettres. Je cherche à ce que l’on fasse vraiment groupe ensemble, pas seulement comme une équipe capable de joie mais aussi de se pousser à penser vraiment. Dans la grande salle, je suis heureuse d’avoir plus de place pour mes chevaux, et pour ceux qui regardent.

Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Cavalières
du mardi 5 mars 2024 au dimanche 31 mars 2024
La Colline - Théâtre national
15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Relâche le dimanche 10 mars. Tel : 01 44 62 52 52. Durée estimée : 1h15.

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