Il viaggio, Dante de Pascal Dusapin ou le bel ennui
FESTIVAL D'AIX-EN-PROVENCE / GRAND THEÂTRE DE PROVENCE / DE PASCAL DUSAPIN / MIS EN SCÈNE CLAUS GUTH
Publié le 14 juillet 2022 - N° 301Commandé par le Festival d’Aix-en-Provence et l’Opéra de Paris, le onzième opéra de Dusapin, Il viaggio, Dante, invite à une traversée initiatique inspirée par l’auteur de La divine comédie aux allures d’oratorio, dont les beautés musicales sont révélées sous la direction de Kent Nagano.
L’une des lignes de partage entre opéra et oratorio tient à la nature du texte mis en musique, profane pour l’un, religieux pour le second. Et c’est bien comme un corpus sacré que Dusapin approche Dante et La divine comédie. Le compositeur n’en fait d’ailleurs pas mystère, caractérisant son onzième opus lyrique d’« opératorio », un mot déjà employé pour La Melancholia en 1991. Florilège puisé dans l’œuvre du poète italien, le livret en italien de Frédéric Boyer n’en trahit pas un mot, et n’en retient pas le moins métaphysique, contribuant ainsi au statisme de la dramaturgie, que le genre de l’oratorio ne rend pourtant pas inévitable – l’exemple des Passions de Bach l’illustre magistralement. Les tempi de la partition, qui ne se risquent à aucun excès, participent d’une relative monotonie que ne compensent pas tout à fait les chatoiements d’une orchestration incluant des fragrances d’orgue, de glassharmonica et d’électronique, et les beautés évocatrices de l’écriture chorale, défendues dans la fosse par les forces de l’Opéra de Lyon. Surtout, la partition et le texte semblent évoluer chastement en parallèle, sans jamais véritablement s’accoupler dans un véritable théâtre musical.
Statisme et maîtrise lyrique
Cette manière figée se retrouve dans les caractérisations vocales, qui essentialisent les personnages dans des archétypes, avec cependant une évidente maîtrise de l’expression lyrique. Les coloratures féminins restituent une idéale quintessence séraphique, native pour la Lucia de Maria Carla Pino Cury, à la tessiture exclusivement stratosphérique, progressive pour la Beatrice à la sensualité extatique de Jennifer France. Aux voix des damnés confiées à l’émérite Dominique Visse qui a gardé son mordant répond le Virgilio monochrome d’Evan Hughes, ancien artiste de l’Académie du Festival d’Aix. Le dédoublement de Dante, déclamé par un Jean-Sébastien Bou d’une indéniable présence, par un avatar jeune confié au mezzo homogène de Christel Loetzsch, est prolongé par les interventions du narrateur de Giacomo Prestia, sans améliorer l’immersion du spectateur dans un parcours initiatique illustré par Claus Guth avec l’appui de la vidéo de rocafilm, dans une sorte de néo-réalisme. Les sept tableaux sont conçus comme la catabase après un accident de voiture, en pleine nuit, sur une sente forestière. Le décor mobile d’Etienne Pluss, logis qui s’ouvre sur une décantation à la fois mythologique et psychologique, et les lumières de Fabrice Kebour, accompagnent une anabase vers le Paradis aux allures de retour à la vie, fût-elle post-mortem. C’est sans doute aussi l’impression, de soulagement, à la fin du spectacle.
Gilles Charlassier
A propos de l'événement
Il viaggio, Dantedu vendredi 8 juillet 2022 au dimanche 17 juillet 2022
Grand-Théâtre de Provence
380 av. Max Juvénal, 13100 Aix-en-Provence
380 av. Max Juvénal, 13100 Aix-en-Provence. Du 8 au 17 juillet 2022, à 20 heures. Durée : 1h45. Tél : 08 20 92 29 23.