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Théâtre - Entretien

Il faut toujours terminer qu’est-ce qu’on a commencé

Il faut toujours terminer qu’est-ce qu’on a commencé - Critique sortie Théâtre Nogent-sur-Marne La Scène Watteau
Nicolas Liautard Crédit photo : DR

Scène Watteau /
Conception Nicolas Liautard

Publié le 19 décembre 2013 - N° 216

Puisant dans les œuvres de Moravia et Godard, mais aussi d’Homère ou Dante, le metteur en scène Nicolas Liautard décline sa propre adaptation du Mépris et tire les fils d’un questionnement sur l’artiste et la création.

Votre création s’intitule « Il faut toujours terminer qu’est-ce qu’on a commencé », reprenant une phrase de Fritz Lang jouant son propre rôle dans Le Mépris, film de Godard. Vous avez d’ailleurs aussi puisé dans le roman de Moravia. Quel est ce mépris ?

Nicolas Liautard : Plusieurs strates se superposent. Il s’agit d’abord du mépris du personnage principal vis-à-vis de lui-même : cet homme de théâtre se méprend sur lui-même, car il se trompe sur ce qu’il croit devoir faire et surtout sur ce qu’il ne fait pas. Il renonce en effet au théâtre parce qu’il vient de s’endetter et d’accepter des commandes immédiatement rémunératrices. Il se méprend également en imaginant que sa femme, parce qu’elle vient de la classe populaire, aspire avant tout au confort matériel. De fait, c’est elle qui en vient à le mépriser parce qu’il se trahit lui-même. Est ainsi posée la question fondamentale de l’engagement de l’artiste face à son art, qui renvoie à celle de la définition de l’acte de création. Quelle est la frontière entre l’artiste et l’artisan ? Comment définit-on la création au théâtre ? Ces interrogations prennent une résonnance particulière puisque nous travaillons à l’adaptation d’une adaptation. En effet, le roman de Moravia, comme le film de Godard, font le récit d’une adaptation de l’Odyssée d’Homère. Quand un artiste s’empare d’une œuvre, il faut qu’il s’exprime dans la langue de son art, ce qui implique un questionnement esthétique.

Et économique…

N. L. : Évidemment : si on a accepté de l’argent, c’est qu’on a venu quelque chose… Quoi ? Quand ce quelque chose n’est pas définissable clairement, c’est sans doute que sa valeur était plus grande que ce qu’on croyait. Sans doute s’est-on vendu soi-même. La question économique, cruciale, devrait faire l’objet d’une attention très particulière de la part des artistes.

Comment avez-vous travaillé à partir des matériaux, films, textes… ?

N. L. : On a d’abord analysé le roman et le film, ainsi que la Divine Comédie de Dante. Ces trois œuvres suivent la même structure, c’est-à-dire une traversée du passé guidée par le souvenir d’une femme aimée disparue. Nous avons aussi travaillé sur la figure d’Ulysse, comme un outil de réflexion : en étudiant le mythe, le personnage va comprendre sa problématique amoureuse et artistique. Pour Dante, Moravia, et Platon avant eux, l’amour est un vecteur de connaissance, en l’occurrence ici de révélation sur lui-même et ses qualités de créateur. Vies amoureuse et artistique se contaminent. L’artiste qui se méprend sur lui-même, qui se méprise, se trahit en amour. Notre pièce est donc structurée par ces axes-là. Nous avons ensuite écrit, à partir de situations, différentes séquences et des segments multiples, c’est-à-dire que les acteurs peuvent les combiner de multiples façons en choisissant de jouer celui-ci ou celui-là. Je laisse ainsi de l’espace pour la création dans la représentation.

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Il faut toujours terminer qu’est-ce qu’on a commencé
du lundi 6 janvier 2014 au jeudi 23 janvier 2014
La Scène Watteau
1, Place du Théatre, 94130 Nogent-sur-Marne.

Du 6 au 23 janvier 2014, les 6, 7, 8, 9, 13, 14, 15, 22, 23 janvier à 20h30, le 12 janvier à 16h. Tél. : 01 48 72 94 94.
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