Créer devant et avec les danseurs
En tournée avec sa dernière création, La [...]
Alain Platel crée des pièces puissantes, sans concession, qui racontent le monde qui nous entoure avec une tendresse indéniable pour l’humanité.
Vous êtes un artiste dont toutes les pièces parlent du chaos de notre monde, est-ce une nécessité pour vous ?
Alain Platel : Oui, je crois que c’est quelque chose de plus fort que moi, je n’ai pas le choix, et même si je suis attentif à ne pas transmettre de message direct, c’est présent dans toutes mes pièces. J’ai eu, au départ, une formation d’ortho-pédagogue, donc en contact avec une certaine misère. Je pense que cela a influencé mon travail. J’ai toujours eu envie de montrer le monde sur scène, c’est pourquoi j’ai mis sur le plateau des êtres humains dans toute leur diversité. J’ai eu la chance de beaucoup voyager avec la compagnie, donc de rencontrer toutes sortes de gens, de situations. En Afrique et ailleurs, j’ai reçu quelques claques. Mais je crois que mes pièces parlent d’abord d’un certain humanisme, qu’elles sont aussi poétiques.
N’assiste-t-on pas à une augmentation de spectacles qui abordent les grands sujets qui nous préoccupent actuellement : les migrants, les réfugiés, l’environnement, la guerre… ?
A.P. : On voit beaucoup de spectacles qui parlent de ces questions, mais, autour du monde, on rencontre aussi beaucoup de gens qui disent en avoir assez de ces sujets. Je pense qu’il faut néanmoins trouver une manière d’en parler. On n’a pas à convaincre le public, mais à trouver des impulsions, des juxtapositions qui donnent à réfléchir.
Pensez-vous que c’est particulièrement nécessaire aujourd’hui ?
A.P. : Je suis convaincu que c’est nécessaire, surtout au vu des réactions après les spectacles. Coup Fatal est pour moi la pièce la plus politique que j’aie jamais créée, avec cette confrontation entre le monde africain et l’Europe. Elle est très chargée, j’évoque presque tout des problèmes de l’Afrique, mais il est également très important pour moi que la pièce puisse supporter une lecture ambiguë, avec ses allures de fête très joyeuse pour dire quelque chose de très amer. J’aime beaucoup chercher ce type de contradictions. Une directrice de théâtre, en Allemagne, a voulu l’annuler après l’avoir vue, parce qu’elle n’aimait pas la façon dont les Congolais étaient représentés sur scène alors qu’ils vivaient des choses atroces dans leur pays. Je ne suis pas d’accord avec le fait que des programmateurs européens décident de quelle pièce peut représenter l’Afrique ou pas. C’est une question de “politiquement correct“ que je refuse. Le public aime ces contradictions et sait appréhender la somme des différentes interprétations possibles.
Propos recueillis par Agnès Izrine
Alain Platel et les Ballets C. de la B. Nicht Schlafen en tournée.
En tournée avec sa dernière création, La [...]