Une ouverture des pratiques
Que révèlent les corps aujourd’hui ?
Entretien Thierry Malandain
Publié le 23 février 2018
À la tête du CCN de Biarritz depuis vingt ans, Thierry Malandain créera en avril prochain Rêverie romantique, sur une musique de Chopin. Quel regard porte-t-il sur l’évolution des danseurs ?
« La bonne école est aujourd’hui mondiale. »
Thierry Malandain
Vous avez commencé à chorégraphier au milieu des années 1980, les pratiques, les corps des danseurs ont-ils beaucoup évolué ?
T.M. : Depuis cette époque oui, parce qu’aujourd’hui la formation est double. La plupart des danseurs classiques ont aussi un cursus contemporain, ce qui signifie que les corps sont plus ouverts à d’autres pratiques, et qu’ils ont eu accès à l’improvisation. Ils sont sans doute plus disponibles que nous pouvions l’être.
Vous notez de nouvelles qualités, pourtant vous dites aussi avoir du mal à recruter…
T.M. : Oui, c’est malheureusement le constat de tout le monde. Nous avons plus de mal à trouver de bons danseurs. Le problème est que s’ils ont abordé différentes pratiques, ils ont en conséquence consacré moins de temps à ce qui est leur courant principal. Ils ont une formation moins poussée qu’autrefois. Je cherche des danseurs avec une bonne école. Je suis sans doute un des derniers à m’attacher au fait qu’ils soient en dehors, tendent leurs pieds, etc. Une telle approche paraît réductrice mais si je demande qu’un bras soit là et pas ailleurs, le danseur doit avoir appris à le placer pendant la classe. Si on lui a laissé mettre ses bras n’importe où, il ne saura jamais les placer. Pour les rôles de soliste, cela ne pose pas de problème, mais dans les ensembles, une forêt de jambes et de bras ce n’est pas possible. Et puis l’esprit passe par les bras, il passe par tout le corps et pas seulement par le buste et le ventre.
Vous travaillez beaucoup à l’international, pensez-vous que les écarts sont toujours marqués entre les différentes écoles ?
T.M. : Il y a des pays qui sont assez surprenants dans la mesure où l’école y est plus rigoureuse que chez nous. En Amérique Latine par exemple, les danseurs sont très bien formés. Il y a une danseuse mexicaine dans ma compagnie, dont l’école pourrait très bien s’apparenter à l’école française, dans le meilleur que l’on puisse concevoir. Penser aujourd’hui que la France a seule l’apanage d’une bonne école est une illusion. On en trouve un peu partout. En Asie aussi, et notamment en Chine, c’est stupéfiant ! La bonne école est aujourd’hui mondiale. Pour autant, il reste quand même des styles. L’école américaine est foncièrement différente de la nôtre, l’école russe aussi. Donc il reste des différences, sans doute moins marquées qu’avant.
La danse néo-classique évolue. Avez-vous aujourd’hui des besoins différents concernant vos danseurs ?
T.M. : Non. Je pense que la double formation qu’ils ont aujourd’hui leur permet plus d’audace pour certains mouvements. Les jeunes chorégraphes ont complètement digéré toutes ces nouvelles façons de bouger. Moi, je suis resté très classique et mon corps est resté très classique. Mais c’est grâce aux nouvelles capacités des danseurs que je peux me dépasser. Pour cette raison, je crois que la double formation est absolument une nécessité. Et c’est sans doute ce qui explique que la danse dite néo-classique a considérablement évolué. Elle a intégré la façon de bouger contemporaine, dans le rapport au sol par exemple. Aujourd’hui, on en arrive même à ne plus savoir précisément de quel type de danse il s’agit.
Propos recueillis par Delphine Baffour
A propos de l'événement
Noédu mercredi 14 mars 2018 au jeudi 15 mars 2018
Le Cratère - Square Pablo Neruda
Place Barbusse, 30100 Alès
Le 14 mars à 20h30, le 15 mars à 19h. Tél. 04 66 52 52 64.
Durée : 1h10.
Également du 26 au 28 mai à l'Opéra de Reims.
Cendrillon : les 6 et 7 mars à l'Espace Michel Simon, Noisy-le-Grand.
La Belle et la Bête : le 10 avril au Théâtre Luxembourg, Meaux.
Nocturnes, Estro : du 23 au 25 mai aux Gémeaux, Sceaux.
Rêverie romantique (création) : le 20 avril lors du Festival Les Beaux Jours puis du 4 au 6 juin à la Gare du Midi, Biarritz.