Scala
La Scala Paris / conception, mes, scénographie Yoann Bourgeois
Publié le 26 septembre 2018Spectacle inaugural de La Scala Paris, Scala entraîne le spectateur dans une fugue métaphorique, qui prend sens à travers la relation qui se joue entre l’homme et les forces qui le traversent.
Ainsi nommé par Yoann Bourgeois parce que le lieu même l’a inspiré, Scala se déploie dans un dispositif qui reprend le bleu choisi par Richard Peduzzi pour habiller le théâtre. Soit un espace domestique revisité par les surréalistes : des portes à la Magritte – qui grincent -, un escalier central qui s’élance vers l’infini, un lit qui bascule et se redresse, un coin salon avec des tableaux qui ne tiennent pas en place, des chaises et une table qui se déforment et se reforment à l’infini. Mais aussi de chaque côté de l’escalier deux trempolines qui donnent des ailes au mouvement. Sept interprètes – cinq hommes et deux femmes – habitent et parcourent cet espace : avec une fluidité qui ne doit rien au hasard, ils effectuent et répètent mécaniquement quasi les mêmes trajectoires imposées par des réactions en chaîne, soumises à un automatisme qui éclaire autant une impossible issue heureuse que l’entêtement humain à essayer encore et encore. « Essayer. Rater. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. » disait Samuel Beckett…
Obstination à vivre
Captifs d’un mouvement permanent, d’une partition ponctuée de subtiles variations, ils chutent, se relèvent, disparaissent dans des terriers qui les engloutissent, réapparaissent, se suivent, se dédoublent, s’élancent, s’affaissent… Après Celui qui tombe (2015), qui imposait aux interprètes la contrainte d’un sol perpétuellement mouvant, Yoann Bourgeois poursuit ici sa quête du « point de suspension », d’une théâtralité singulière, à la fois circassienne et chorégraphique, où les « acteurs-vecteurs » sont manipulés et agis par les forces qui les traversent. Les hommes et femmes se confrontent à une somme de machines, qui chacune relie un objet du quotidien à un mécanisme qui détraque habitudes et confort. Yoann Bourgeois relève que la relation entre le corps et les forces physiques qui le contraignent est « une source inépuisable de drame ». Certains moments sont plus évocateurs que d’autres. Parfois l’humour s’en mêle, comme lorsque le balai s’attaque à une multitude de doigts qui sortent de trous. Parfois un changement de costumes nous alerte sur la précarité de l’humanité. C’est surtout dans l’effort et l’insistance de ces êtres assujettis que la pièce, quoiqu’inégale, est touchante. Dans leur obstination à vivre. L’aventure théâtrale des corps en mouvement est un périple mental que chacun appréhende à sa guise…
Agnès Santi
A propos de l'événement
Scaladu mardi 11 septembre 2018 au mercredi 24 octobre 2018
La Scala Paris
13, bd de Strasbourg, 75010 Paris
Tel : 01 40 03 44 30. www.lascala-paris.com. Également au Théâtre National de Nice du 8 au 10 novembre, à la Comète – Scène nationale de Châlons-en-Champagne les 13 et 14 novembre, à L’Onde – Théâtre Centre d’Art de Vélizy le 17 novembre, à la Maison de la Culture d’Amiens les 20 et 21 novembre, puis tournée jusqu’en juin 2019.