Möbius de compagnie XY, collaboration Rachid Ouramdane
Critique
La Villette / conception et mise en scène compagnie XY en collaboration avec Rachid Ouramdane
Publié le 3 octobre 2020
Plus dépouillée, très chorégraphique, la dernière création de la compagnie XY offre à leur langage acrobatique de nouvelles et généreuses échappées, sous l’impulsion d’un Rachid Ouramdane qui en soigne autant les élans que les effondrements.
Il y a une forme d’urgence dans la scène d’exposition qui ouvre Möbius : traverser le plateau en masse, jouer de la vitesse pour aller à la rencontre de l’autre, le porter haut, le faire glisser au sol… Tels des électrons libres, les 19 acrobates dessinent dans leurs courses un engrenage invisible que nul heurt ne viendra altérer. Et en quelques minutes, c’est tout l’art d’XY qui explose et sidère encore par sa virtuosité, son art du porté acrobatique et du vol plané, et son élan collectif. Le chorégraphe Rachid Ouramdane a trouvé en leur matière un terrain idéal pour poursuivre sa recherche sur les grands ensembles et les déplacements. L’image des nuées d’étourneaux fonctionne à bloc dans cette création. En héritier d’Odile Duboc dont il fut l’interprète, il creuse la notion d’inter-espace si chère à la première chorégraphe des Vols d’oiseaux (1981), reprise à son compte dans son précédent Murmuration créé en 2017 avec le Ballet de Lorraine. Cette fois, la collaboration avec XY lui permet d’ouvrir un nouvel espace, celui de l’aérien. Une troisième dimension s’offre alors, dans une combinaison de trajectoires magnifiquement complexes consistant à nouer et dénouer les nuées qui surgissent puis disparaissent. Mais plus encore, le spectacle permet d’envisager l’acrobatie sous l’angle d’une déconstruction poétisée.
Vertigineuses trajectoires
Ici, les interprètes proposent en effet une autre expérience de la chute. D’une tour à quatre, ils font un effondrement d’une grande beauté, quand d’autres corps viennent soutenir la descente dans un continuum qui suspend le temps. Le déclin et l’effet domino deviennent des principes chorégraphiques à faire grincer des dents les plus fervents collapsologues. Car les acrobates d’XY sont des oiseaux de bel augure : ils déplacent la prouesse vers d’autres imaginaires, sans cesse dans la reconstruction et dans la prise en charge de l’autre pour l’amener ailleurs. Un équilibre naît puis s’effondre ? Regardons alors comment il se défait, et comment on se remet d’aplomb, ensemble. Il y a toujours une main tendue, un élan transformé pour se relever. Faire corps à plusieurs, c’est aussi soigner son départ et laisser sa trace dans le corps de l’autre. Dans cette frénésie et ces surgissements s’échouent des corps à l’horizontal, qui laissent place à des empilements verticaux ; on grimpe vers le sommet, mais on parvient aussi à s’élever par la base. Le groupe devient une montagne à gravir profondément ancrée dans le sol, mais capable de jets de corps aériens en ondulations qui courbent l’espace. Des vagues se forment, la fluidité du temps et du geste nous submerge. Et nous voilà emportés dans leur sillage, bercés par les images d’une humanité en constante transformation.
Nathalie Yokel
A propos de l'événement
Möbius de compagnie XY, collaboration Rachid Ouramdanedu jeudi 12 novembre 2020 au dimanche 6 décembre 2020
Espace Chapiteaux
Parc de La Villette, 75019 Paris
mercredi et vendredi à 20h, samedi à 19h, dimanche à 15h. Durée : 1h10. Spectacle vu au Cirque-théâtre d’Elbeuf en octobre 2019.