Une pelle d’ Olivier Debelhoir
Festival CIRCa et tournée / Conception Olivier Debelhoir
Critique
Publié le 3 octobre 2020
Dans Une pelle, Olivier Debelhoir fait vivre une nouvelle aventure à son personnage d’aventurier farfelu. Accompagné d’un type presque aussi barré que lui, l’artiste nous embarque jusqu’à ses sommets absurdes, enchanteurs.
Olivier Debelhoir a un sens particulier de l’accueil. Dans sa première création, Un soir chez Boris (2015), son personnage éponyme de trappeur solitaire conviait les spectateurs dans sa yourte où un âtre virtuel, une tête de sanglier empaillé et d’autres objets curieux et hétéroclites plongeaient la petite assemblée dans un univers absurde et composite. Dans une épopée imaginaire empruntant à la fois à la série B, au western spaghetti et au film catastrophe. Dans Une pelle, dont nous avons pu voir cet été une avant-première à Nexon au Sirque qui coproduit le spectacle, l’artiste a quitté sa tanière mais non ses bonnes manières. Toujours dans son monde mais respectueux des mesures sanitaires, c’est en extérieur qu’il nous souhaite la bienvenue. « Toi, ta tête me dit quelque chose. Va chercher du petit bois », lance-t-il à l’un. « Toi, le grand aux airs de Clint Eastwood, have you got some light ? », demande-t-il à un autre. Le message est clair : au travail ! Dans le petit cirque d’Olivier Debelhoir, le public est sommé de participer à la construction du sens. Et c’est si bien demandé que, sans attendre, on file mentalement ramasser le petit bois demandé tout en tendant un briquet. Le coach funambule Mathieu Hibon et le régisseur général Michaël Phillis mettent eux aussi la main à la Pelle. Avec le comédien Anthony Breurec qui les rejoint bientôt, ils forment un petit groupe de campeurs aux dégaines et aux occupations assez spéciales. Installées au loin, quatre tentes rappellent d’ailleurs la yourte de la pièce précédente. Le cirque d’Olivier Debelhoir est peuplé d’êtres de passage.
L’élévation par le pop corn
Avec leur air de voyageurs perchés, le circassien et ses comparses ne font pas que rendre à leur façon hommage aux origines itinérantes du cirque. Ils déploient un imaginaire propre, où l’acrobatie advient par l’absurde. Un chant raté près d’un feu presque aussi fictif que l’âtre d’Un soir chez Boris, l’apparition d’un coureur habillé comme un pro ou encore la préparation d’une grande fournée de pop corn avec… une pelle – il ne faut pas croire, tout a une certaine logique dans le monde d’Olivier Debelhoir. Si toutes ces petites scènes n’ont pas prétention à former un récit linéaire, elles installent un climat de liberté totale. Une folie douce qui donne l’air tout naturel à l’ascension qu’entreprennent tout d’un coup Olivier et son copain Anthony. En entretenant leur petite fiction de camping, tous les deux se retrouvent à avancer sur un câble tendu comme des montagnards du dimanche escaladeraient la paroi la plus lisse et abrupte de leur vie. Olivier Debelhoir rejoue ainsi son entrée en funambulisme. Il revisite son souvenir d’une marche derrière un funambule expérimenté, il y a dix ans. Sous ses airs farceurs, Une pelle cache plusieurs retours aux sources. Elle recèle une profondeur d’autant plus savoureuse qu’elle est compatible avec le popcorn généreusement distribué à la ronde. Du maïs à la métaphysique pour Olivier Debelhoir et son équipée, il n’y a qu’un pas que l’on franchit avec bonheur.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Festival CIRCadu mardi 20 octobre 2020 au jeudi 22 octobre 2020
Également les 30 et 31 octobre à Chalon dans la rue.