Marie-Antoinette
Opéra Royal du Château de Versailles / chor. Thierry Malandain
Publié le 26 février 2019Troisième commande de Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles, au Malandain Ballet Biarritz, Marie-Antoinette déploie un ballet narratif et symbolique au plus près de la vérité humaine.
Il est étonnant de se dire que c’est sur cette même scène de l’Opéra Royal du Château de Versailles, inauguré pour l’occasion, qu’eut lieu le 16 mai 1770 le repas nuptial qui unit Louis-Auguste, Dauphin de France et futur Louis XVI, et Marie-Antoinette, Archiduchesse d’Autriche. Peut-être est-ce pour cette raison que Laurent Brunner, connaissant le souci du détail, l’attachement à l’Histoire (celle des hommes et celle de la danse) et l’inventivité du chorégraphe, a voulu que Thierry Malandain aborde le personnage de Marie-Antoinette. C’est justement par ce festin royal que débute le spectacle, sous l’égide de Louis XV et de la mère de Marie-Antoinette, l’Impératrice Marie-Thérèse. Les costumes féminins qui laissent voir les bras sont superbes. Le plateau est ceint par de hauts cadres et par un ciel contrasté, annonciateur de la catastrophe future. Superbe idée : un cadre identique, d’abord au sol, puis porté par les membres de la Cour, signifie tout le poids des codes rigides qui y règnent. C’est un lieu d’enfermement et d’exposition, où la moindre inconduite et la moindre intrigue déclenchent caricatures, pamphlets et rumeurs. Les gestes font écho à l’agitation et au jugement perpétuels de la Cour et à cette situation de fête au bord de la rupture, avec de beaux enchaînements qui se répètent, avec des mouvements d’automates, des vagues virevoltantes, des battements de mains ou des bras éperdument tendus vers le néant.
Portrait tout en nuances
Au-delà du contexte, le bord de cadre peut aussi évoquer une barre de danse classique, exigeant une implacable discipline ! Cette première scène est une très belle réussite. Quatorze tableaux éclairent des moments clés ou symboliques de la vie de Marie-Antoinette, et pour apprécier le ballet à sa juste mesure, il est vraiment recommandé – voire nécessaire – de lire le synopsis dans la feuille de salle avant le spectacle. Parmi les séquences proposées, La Nuit de noces, sachant que le mariage n’a pas été consommé pendant sept ans ; La Reine du Rococo ou mon truc en soie, savoureux pastiche mettant en lumière la frivolité de la Reine ; Maternité, qui voit la naissance de la petite Marie-Charlotte ; jusqu’à ce 5 octobre 1789, tableau final intitulé A mort l’Autrichienne ! Rythmées par les symphonies de l’Autrichien Joseph Haydn, interprétées à Versailles par l’orchestre Euskadi dirigé par Mélanie Levi-Thiébaut, ces scènes dansées qui traversent l’histoire d’une vie expriment avant tout l’inadéquation qui s’affirme entre la Reine et sa fonction. Elles éclairent aussi le personnage plus émouvant et plus intelligent qu’on l’imagine de Louis XVI. Une telle plongée chorégraphique croisant enjeux intimes et historiques s’avère un redoutable défi. Thierry Malandain et sa belle troupe l’ont relevé avec succès.
Agnès Santi
A propos de l'événement
Marie-Antoinettedu vendredi 29 mars 2019 au dimanche 31 mars 2019
Opéra Royal du Château de Versailles
4 Avenue de Paris, 78000 Versailles
Le 29 mars à 20h, le 30 à 19h, le 31 à 15h et 19h. Tél : 01 30 83 78 98. Durée : 1h20. Spectacle vu au Kursaal à San Sebastián.
Tournée sans l’orchestre : Opéra de Vichy les 5 et 6 avril, Grand Théâtre de Bordeaux les 19 et 20 avril, Opéra de Reims les 25 et 26 mai, Gare du Midi à Biarritz ldu 1er au 3 juin et du 7 au 9 août.