La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Le Cirque contemporain en France

Le cirque à nouveau après le nouveau cirque

Le cirque à nouveau après le nouveau cirque - Critique sortie
Crédit photo : Sylvie Bosc / Mon œil

Pôle national / Le Sirque à Nexon

Publié le 11 novembre 2014

Martin Palisse, jongleur et codirecteur artistique du Cirque Bang Bang est, depuis le 1er janvier 2014, directeur du Sirque, Pôle National des Arts du Cirque de Nexon en Limousin. C’est la première fois qu’un artiste dirige ce genre de structure : le défi est de taille, aussi bien politiquement qu’artistiquement.

Comment résumer votre engagement et votre projet à la tête du Sirque ?

Martin Palisse : Le Sirque est un lieu très fortement lié à l’histoire du cirque et de sa transformation. C’est là qu’Annie Fratellini a posé ses caravanes en 1986. Elle y donnait des cours, l’été, et créait des spectacles avec des stagiaires. A l’époque, elle était liée à Pierre Etaix. C’est à partir des Rencontres Cinématographiques des Films de Cirque, première manifestation culturelle organisée autour des stages en 1990, que Marc Délhiat et Guiloui Karl inventent l’événement Les Arts à la Rencontre du Cirque devenu le festival d’été La Route du Sirque. Premier artiste de cirque nommé à la direction d’un pôle cirque, mon projet est justement à l’inverse du titre de ce premier festival. Le cirque est un art, et l’ensemble du projet tourne autour de cette idée revendiquée. Je veux soutenir des artistes ayant une vision d’auteurs de leur technique et leur écriture. Nos missions sont celles des pôles cirque (accueillir, soutenir et diffuser les œuvres), mais je veux une ligne artistique très claire, une vraie démarche dans le temps, guidée par une vision d’ensemble, attachée à la fidélité et à la filiation entre artistes. La majeure partie du temps est dévouée à accueillir des résidents. Je les sélectionne et j’assume de soutenir un courant de cirque d’art et d’auteur, aux esthétiques multiples mais qui considère le cirque comme un art à part entière, dont les auteurs ont intégré la transdiciplinarité, sans être dans la perpétuelle inféodation au théâtre et à la danse.

« L’enjeu est aujourd’hui celui de la maturité politique. »

Quelle est la particularité de cet art ?

M. P. : D’abord, son rapport à l’espace et à la circularité : même si l’œuvre ne se joue pas sous chapiteau, en cercle, elle est composée dans une énergie circulaire. Ensuite, quelle que soit la discipline (aérienne, acrobatique ou jonglistique), sa pratique joue sur l’équilibre. Nous sommes des gens qui mettent en équilibre les choses : cela est à rapprocher du théâtre sacré ou du théâtre du chaos. Ce qui m’intéresse alors, c’est le renouvellement de ce rapport à l’équilibre au cours de la carrière de l’artiste, notamment quand il vieillit. Le cirque souffre d’un jeunisme énorme : on n’y laisse rien mûrir, et on l’appauvrit. J’affirme m’intéresser à la génération des 30-40 ans et à celle qui précède. Ceux-là m’intéressent, car ils doivent repositionner leurs idées sur leur pratique, affronter la douleur, apprendre à décroître en force. Poser ces questions à la profession conduit à mettre en relation des générations différentes d’artistes, et faire émerger le fait qu’aujourd’hui, face à la génération du nouveau cirque, apparaît la génération du cirque à nouveau.

L’âge de la maturité, en somme ?

M. P. : Nous sommes un certain nombre à avoir atteint la maturité artistique, mais l’enjeu est aujourd’hui celui de la maturité politique. L’art est politique en France, il est intimement lié à des politiques qui font de la France ce qu’on appelle une exception culturelle. Si nous voulons être influents ou pris au sérieux, il est important que nous acceptions de prendre des responsabilités dans l’espace institutionnel. La culture du cirque est, par tradition, une culture d’entreprenariat privé qui nous colle à la peau. Sa capacité à produire des spectacles relevant de l’entertainment ultra efficace est une menace. Mais le théâtre et la danse peuvent aussi être victimes de cette dérive. En construisant notre autonomie et en refusant de demeurer sous la coupe de ces deux arts, nous sommes à la fois dans la responsabilité artistique et dans la responsabilité politique.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

 

Le Sirque – Pôle National des Arts du Cirque de Nexon en Limousin, Château, BP 20, 87800 Nexon. Site : www.cirquenexon.com

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