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Visages de la danse 2017

La danse, un art du dépassement

La danse, un art du dépassement - Critique sortie Danse
Crédit photo : François Stemmer Légende : Olivier Dubois mène sa barque au Ballet du Nord

Entretien / Olivier Dubois

La subjectivation du danseur contemporain

Publié le 28 février 2017

De l’univers de Jan Fabre à Tragédie, avec ses dix-huit hommes et femmes nus, le danseur et chorégraphe Olivier Dubois a vécu – et fait vivre à ses interprètes – des états de corps extrêmes.

Vous avez commencé à danser tard, à 23 ans. Est-ce que la danse a changé votre perception de vous-même ?

Olivier Dubois : Oui. La danse est un art, un laboratoire infini, et j’ai découvert ce que j’appelle le monstre poétique : quand le corps est pris, avec une partition très difficile, dans différents défis, et qu’on est obligé de l’amener à être un autre. On doit trouver la manière de se dépasser. C’est de l’ordre de la dissection, comme un chirurgien.

Vous dites que Jan Fabre vous a libéré en tant qu’interprète. Pourquoi ?

O. D. : Mon corps était différent de ce qu’on peut imaginer d’un corps typique de danseur, mais je ne voulais pas être un animal de foire. Quand je suis arrivé chez Jan Fabre, je n’étais pas « trop » : tout était possible à partir du moment où ça rentrait dans le cadre de l’œuvre. Chez lui, on est complètement associé au processus de création, à la recherche, l’apport de documentation, l’improvisation. On est un interprète pensant, chargé de la compréhension et des enjeux. C’est rarissime.

« C’est aux danseurs de penser, d’amener la pièce sur des mers encore inconnues. »

Certaines de vos pièces ont provoqué des réactions violentes de la part d’une partie du public. Comment se construit-on une carapace face à ça ?

O. D. : Je me dis que si j’ai continué après Faune(s), c’est qu’indiscutablement, c’était ce pour quoi j’étais fait. J’ai un cuir qui a pris dix centimètres d’épaisseur, avec des cicatrices énormes. Heureusement, j’avais l’expérience du travail avec Jan Fabre : les agressions, les jets de programmes dans la figure, j’en avais déjà eu plein. En tant qu’interprète, malgré tout, on est protégé, à la fois par l’œuvre et par l’auteur. Mais le soir, quand on rentre, c’est parfois dur, surtout quand ça déborde du plateau.

En tant que chorégraphe, quelle place donnez-vous aux danseurs dans l’élaboration du mouvement ?

O. D. : Je leur donne la phrase chorégraphique, mais je ne travaille jamais sur la façon dont ils la dansent. Je donne seulement le temps, la dynamique ; la forme ne m’appartient pas, elle est à eux. En fait, je cherche à donner aux interprètes tous les moyens d’être des pirates le jour du spectacle. Je leur dis toujours : ce n’est pas l’œuvre qui vous fait, c’est vous qui la faites. C’est à vous de penser, d’amener la pièce sur des mers encore inconnues. Les gens avec qui je travaille ne sont pas domesticables. Je ne donne que la structure, l’architecture, et les danseurs en font de la vie.

 

Propos recueillis par Laura Cappelle

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