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Visages de la danse 2017

La danse contemporaine à l’épreuve de l’Histoire

La danse contemporaine à l’épreuve de l’Histoire - Critique sortie Danse
Crédit : Steve Appel Légende : « Master class Nijinski » de Faizal Zeghoudi.

Eclairage / Création et Histoire de la danse

Publié le 28 février 2017

Pourquoi aller puiser dans l’histoire de la danse pour créer de nouvelles œuvres ? Quels sont les enjeux de cette nouvelle tendance, qui surfe particulièrement sur la vague Nijinski ?

La danse, comme tout autre art, a toujours su faire du neuf avec du vieux. Dans la danse classique, c’est même monnaie courante. Outre les emprunts à la tradition populaire anonyme, les œuvres ont toujours circulé dans le temps, même si on n’en gardait le plus souvent le fantasme plutôt que la réalité. Ainsi, pour beaucoup d’entre elles n’en subsistaient que le titre ou l’argument, ou seulement quelques pas marquants. À notre époque, ce n’est pas très différent. La vague Nijinski qui déferle sur la danse contemporaine et même hip hop en témoigne suffisamment. Les chorégraphes ne gardent de l’original que ce qu’ils peuvent en modifier, et, plus que d’une relecture, c’est bien d’une (re)création qu’il s’agit. Mais curieusement, les chorégraphes contemporains ne se sont emparés des œuvres du passé que récemment. Si l’on excepte la commande faite à Maguy Marin de recréer Cendrillon en 1985, la tendance était plutôt à penser la danse contemporaine en rupture avec le passé, et surtout de se débarrasser de toute adhérence avec la danse classique. Tout commence à changer avec la disparition prématurée de Dominique Bagouet en 1992. La position contemporaine qui voulait que du passé on fasse table rase venait soudain d’être précarisée, supposant une nouvelle définition de la modernité. Il faut bien avouer qu’à rejeter toute notion de patrimoine, les chorégraphes s’avançaient sur un vide périlleux. Non seulement parce que le plancher fait défaut, mais aussi parce que se réarrimer à l’histoire de la danse permet de comprendre pourquoi un certain nombre d’œuvres nous interpellent toujours autant.

Nijinski superstar

La redécouverte de la modernité de Nijinski en France doit beaucoup à la résurrection de la version originale du Sacre du printemps par Millicent Hodson donnée en 1987 à l’Opéra de Paris, au succès du Sacre de Pina Bausch présenté au Festival d’Avignon en 1995 (bien qu’elle ait été donnée au Théâtre de la Ville depuis 1982), et enfin, et peut-être surtout, à la reconstitution de L’Après-midi d’un faune à partir de la notation de Nijinski par le Quatuor Knust en 2000. Ce collectif plutôt radical s’est fait connaître par ses relectures d’œuvres modernes et postmodernes. À la suite, vont éclore toute une floraison de « Faunes », certains citant même cette relecture initiale (comme Olivier Dubois en 2008), ou Anne Teresa de Keersmaeker dans D’un soir un jour (2005). Il y aura ensuite une multitude de versions, de Raimund Hoghe à Sidi Larbi Cherkaoui, de Georges Momboye à Faizal Zeghoudi. Les célébrations du centenaire du Sacre du printemps et de l’Après-midi d’un Faune consacreront Nijinski comme superstar du contemporain avant l’heure et donneront lieu à une nombreuse descendance. En filigrane, apparaît une problématique essentielle de la danse contemporaine, à savoir la notion d’œuvre et d’auteur. S’inscrire dans un héritage s’oppose au caractère éphémère de l’art chorégraphique, si souvent invoqué pour lui refuser son statut d’art majeur. Se réapproprier  son histoire, c’est aussi remettre en question les discours qui ont pu être tenus à son encontre.

 

Agnès Izrine

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