La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Le Cirque contemporain en France

Extension du domaine de l’agrès

Passer de la technique à l'art, voilà semble-t-il le chemin parcouru par les agrès dans le cadre d'un cirque contemporain qui (se) réfléchit et (se) réinvente. Une métamorphose qui réaffirme la place prépondérante de l’agrès au cirque, pourvu qu’on lui donne du sens.

Cirque et agrès / quelles évolutions ?

Publié le 11 novembre 2014

Passer de la technique à l’art, voilà semble-t-il le chemin parcouru par les agrès dans le cadre d’un cirque contemporain qui (se) réfléchit et (se) réinvente. Une métamorphose qui réaffirme la place prépondérante de l’agrès au cirque, pourvu qu’on lui donne du sens.

Les agrès évoquent pour beaucoup la performance physique du cirque traditionnel, le numéro spectaculaire qu’on se transmet de père en fils, qui laisse peu de part à l’imagination et met en valeur la virtuosité technique du circassien. Trapèze, mât chinois, roue de Cyrus peuvent ainsi apparaître comme autant d’instruments de torture dans l’imaginaire commun d’un cirque longtemps figé dans l’exploit physique. Et même aujourd’hui, dans le contexte du nouveau cirque et d’une formation renouvelée, l’agrès demeure un choix primordial pour le futur circassien, un choix que conditionne largement sa morphologie, puis, qui va également modeler son corps, développer sa musculature, arquer son squelette, en somme, à court terme, marier son physique à son agrès. Un potentiel instrument d’aliénation en somme, d’autant qu’il est le support de longues séquences d’entraînement, de souffrance physique souvent, et de figures traditionnelles, répétées comme des gammes, que la formation continue d’imposer.

Renouvellement des imaginaires

Ici, Chloé Moglia qui réinvente le trapèze en monolithe ou en barre tendue entre deux filins pour travailler autour de la suspension. Là, Johann le Guillerm qui détourne des objets du quotidien qui vont devenir ses nouvelles « prothèses », ses agrès. Les exemples témoignant d’une subversion de l’agrès ne manquent pas. Mais il n’est pas indispensable d’aller jusque là pour voir son statut évoluer. Par exemple, l’essor depuis vingt ans des collectifs monodisciplinaires a lui aussi permis des partages de pratiques, une émulation, un renouvellement des imaginaires chez les circassiens, qui dans le sillage du nouveau cirque ont conduit chacun à s’interroger sur la portée sensible de son agrès, sur les valeurs qu’il véhicule, les sens qu’il délivre, la manière dont il parle aux spectateurs et à leur sensibilité. L’agrès impose également ou propose une scénographie, et comme celle-ci peut conditionner la création théâtrale, il est devenu primordial dans l’écriture de cirque, non plus comme une contrainte, mais comme le matériau premier dont on se saisit pour faire création. Alors « cette excroissance des possibilités humaines »* selon Vincent Gomez de la compagnie Hors-Pistes n’est certainement plus aujourd’hui cet outil mettant en valeur le corps et la performance du circassien, mais bien aussi celui qui laisse s’exprimer les qualités de sa sensibilité et de son esprit, de son talent d’artiste.

 

Eric Demey

* Dans l’excellent dossier sur les agrès disponible sur le site de Territoires de cirque www.territoiresdecirque.com

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