Le Cirque contemporain en France
Un être d’une bêtise divine
Cirque et clown
Publié le 11 novembre 2014Voilà vingt-cinq ans que le clown Arletti est venu au monde. Catherine Germain, sa matrice et son accoucheur, est une interprète fine et subtile de cet art du chemin vers le poème, comme le définit son complice François Cervantes.
« Le clown est essentiel à la formation de l’acteur, car il lui permet d’apprivoiser sa solitude fondamentale. »
« Le clown révèle l’essence, le parfum d’un être. J’ai découvert Arletti comme un musicien aurait découvert une partition rare. Le clown est une forme d’être au monde : il pose la question de celui qui emprunte ce chemin dans la lumière : « Qu’est-ce que je viens faire là ? De quoi témoigné-je ? Et comment faire résonner ce rapport que j’ai au monde ? » Cela suppose évidemment un travail : la création d’un personnage, mais surtout la découverte pour l’acteur de sa nature poétique. Le clown pose la question de l’humain, de l’incarnation, du théâtre, et de la relation au public dans un présent absolu. Le clown n’est pas fini. Il nous dit que nous sommes en chemin, et partage avec nous cette incomplétude, cette évidence que l’homme est la seule espèce naturelle encore à l’étude. Son intériorité s’adresse directement à celle des spectateurs. Il est comme un être d’une bêtise divine, d’une bêtise essentielle, qui nous ramène à l’acte archaïque de l’être ensemble.
L’extraordinaire, révélateur de l’ordinaire
Cet être extraordinaire nous révèle notre ordinaire. C’est par l’artifice, la fantaisie, l’absurde, la métamorphose, que le clown interroge l’homme sur sa nature. Une créature qui pose la question de la création. Une créature qui voyage librement dans l’art, à la lisière des histoires, au bord du théâtre, du cirque et de la vie. Quand un acteur joue Hamlet, il tend vers l’incarnation du personnage. Le clown, lui, tend vers l’incarnation de l’acteur qui joue Hamlet. Il incarne le désir de théâtre, et donne à voir en transparence ce qui se joue. Sa psychologie est physique. On commence peut-être par « trouver son clown », mais avec le temps il devient une figure publique. C’est ce que je sens avec le clown Arletti. Maintenant, il appartient au public. Aller vers le clown, c’est peut-être accepter de perdre connaissance pour retrouver une connaissance plus ancienne de soi, qui a à voir avec sa place dans la communauté des hommes. Il apprend à aimer le vertige du vide, et donne du sens à la peur d’être là. En cela, le clown est essentiel à la formation de l’acteur, car il lui permet d’apprivoiser sa solitude fondamentale. »
Propos recueillis par Catherine Robert