La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Les formations artistiques

Etre acteur : être tout le temps en mouvement

Etre acteur : être tout le temps en mouvement - Critique sortie
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Publié le 10 octobre 2009

Responsable du pôle métiers et formations au Centre national du Théâtre, Naïma Benkhelifa oriente, accompagne et conseille sur les formations professionnelles, et apporte un éclairage très concret sur les réalités des métiers artistiques.

Qui s’adresse à vous ? Et pour quelles raisons ?
Naïma Benkhelifa :
Le métier d’acteur est de loin le plus concerné par les demandes, et rassemble 1000 demandes sur un peu plus  de 1500 par an. Nous sommes principalement contactés par des jeunes de 17 à 25 ans, qui souhaitent tenter les concours dans les établissements supérieurs. Ces jeunes ont besoin d’avoir des conseils très pointus sur les formations à vocation professionnelle. Il faut faire attention aux fantasmes, aux mauvais choix, car certains n’ont pas conscience qu’être acteur, c’est d’abord un métier, nécessitant beaucoup de travail et une formation solide. L’accès aux onze grandes écoles relève d’ailleurs d’une sélection drastique des postulants. Pour le Conservatoire, environ 1100 candidats pour 30 places, pour le TNS quelque 750 candidats pour environ 15 places, pour les autres écoles supérieures entre 400 à 500 candidats pour 10 à 20 places selon les établissements… Je dis toujours aux gens qui viennent me voir que l’insertion commence au début de la formation, qu’il faut acquérir une bonne culture générale et artistique, être un spectateur attentif. Paris attire beaucoup les apprentis comédiens, ce qui se comprend quand on considère que plus de 300 spectacles y sont programmés chaque soir. Mais quitter son lieu d’origine pour s’installer à Paris, payer un cours privé 300 euros par mois alors qu’existe dans sa région un conservatoire à rayonnement régional ou départemental de qualité, pour 500 à 600 euros par an, c’est évidemment un mauvais calcul ! La décentralisation a du sens…

« Il est nécessaire dans les métiers artistiques de constituer et développer des réseaux. »

Quels conseils vous paraissent les plus importants ?
N. B. :
Il est nécessaire dans les métiers artistiques de constituer et développer des réseaux. C’est là un aspect essentiel du métier souvent mal pris en compte et sous-estimé. Il faut se faire connaître, devenir son propre attaché de presse, son propre agent de relations publiques, pour ne pas se retrouver après la formation comme un nouveau-né. En France prédominent une vision très théorique, une culture axée sur la réflexion, mais il faut aussi être dans le concret, l’action, comme dans les pays anglo-saxons. J’ai animé en novembre dernier une rencontre au CNT sur la nécessité de déployer un réseau, sur le positionnement sur le marché du travail. J’interviens à l’université de Censier sur les métiers du théâtre dans un cours intitulé “Projet professionnel“. Et j’ai été sollicitée toujours par Censier pour animer un club d’insertion pour les métiers du théâtre à destination de titulaires de  masters d’études théâtrales et de lettres modernes à la Cité des Métiers. On apprend à travailler la prise de parole, à rédiger un CV permettant de se mettre en valeur, à répondre à des offres d’emploi dans les métiers du spectacle. L’enjeu consiste à insuffler à ces étudiants d’un bon niveau scolaire un nouvel état d’esprit, le goût de l’effort pour entretenir des réseaux.

Que pensez-vous de la relation entre formation et monde professionnel ?
N. B. :
La connexion entre formation et monde professionnel pose problème en France. Les dispositifs d’insertion professionnelle, mis à part quelques-uns, ne sont pas suffisants. Nous aidons ici certains jeunes à devenir auditeurs dans certaines formations au Conservatoire ou à assister à des répétitions grâce à des lettres de recommandation. S’engager dans un métier artistique, c’est de l’ordre de la vocation. C’est un choix de vie. Il faut y penser du matin au soir, être ultra passionné et bien se demander si on est suffisamment fort pour supporter les périodes d’angoisse et de non-emploi. Le théâtre est un art complet, un art de la parole. En danse ou en musique, la technique nécessite un entraînement  permanent. Un acteur aussi doit travailler et jouer tous les jours, se cultiver. Et c’est un métier d’audace, où il faut être tout le temps en mouvement.

Propos recueillis par Agnès Santi

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